Comme un malaise
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le mardi 1 mars 2016 10:16
- Écrit par Claude Séné
Myriam El Khomri, la ministre chargée de défendre la réforme du code du travail qui porte son nom a dû annuler tous ses rendez-vous à la suite d’un « petit malaise » qui l’a contrainte à une hospitalisation pour des examens médicaux. Il va sans dire que je lui souhaite un prompt rétablissement, mais je ne peux pas m’empêcher de penser que ce coup de fatigue est symptomatique de la situation impossible dans laquelle s’est fourré ce gouvernement avec une loi qui fait débat jusque dans les rangs de la majorité.
Son utilité même est largement contestée. Bien que le Medef ait applaudi les dispositions les plus libérales du futur texte, rien ne prouve que ses effets sur l’emploi soient positifs, au cas où il serait adopté en l’état. Nous avons été largement échaudés par les pins « un million d’emplois » du patronat dont nous n’avons jamais vu la couleur. Le modèle nordique de la flexisécurité dont la loi prétend s’inspirer est complètement tronqué puisque les garde-fous ont disparu au profit de la seule « agilité » de l’entreprise. L’accent est mis sur le dialogue social à l’échelon local, en ignorant complètement le lien de subordination qui peut amener des salariés à accepter des compromis inacceptables, au mépris de leurs droits les plus élémentaires, dans l’espoir de conserver leur emploi. L’expérience a montré que dans beaucoup de cas ces sacrifices n’auront servi qu’à retarder l’échéance.
Paradoxalement, cette loi qui prône le dialogue social a été élaborée dans la solitude des cabinets ministériels. Il aura fallu la levée de boucliers et notamment le succès de la pétition sur internet, pour amener Manuel Valls à se résoudre à repousser de 15 jours la présentation du texte en conseil des ministres et à consulter les organisations syndicales. Il va devoir convaincre la CFDT de soutenir le projet, ce qui passera par des modifications importantes des dispositions prévues, au risque de mécontenter le patronat pour qui le dispositif a été conçu. Cela pourrait ne pas être suffisant puisque les autres grandes confédérations ouvrières, CGT et FO, demandent le retrait pur et simple de la loi. Plus inquiétant encore pour le gouvernement, la réaction des jeunes, concernés au premier chef par la réforme et qui pourraient réserver à la loi El Khomri le même sort qu’au CPE. Pour couronner le tout, la droite, qui soutenait le projet à l’origine, pourrait tourner sa veste, pour ne pas faire de cadeaux à François Hollande et Manuel Valls, et torpiller ainsi l’espoir d’une majorité de rechange à l’Assemblée. Comme un malaise, je vous dis.