La révolte des pauv’cons

François Hollande, Manuel Valls et Stéphane Le Foll ont payé pour tout le monde en venant visiter le salon de l’agriculture cette semaine. D’une certaine façon, sans les exonérer de leurs responsabilités personnelles, ils auront eu le tort de se trouver au mauvais endroit au mauvais moment. L’agriculture française et spécialement l’élevage traverse une très mauvaise passe et l’on comprend le désarroi des paysans dont le travail ne rencontre pas une rémunération décente. Les raisons de ces difficultés sont multiples, mais les responsables sont difficiles à identifier et encore plus à influencer. Tout naturellement, on s’en prend à ceux qui sont là, même si la plus grande partie des solutions leur échappe totalement.

La revendication des éleveurs de porc et des producteurs de lait tient en une formule simple : un prix rémunérateur, et c’est pourtant ce qui est le plus difficile à obtenir. Pendant des années, la politique agricole commune de l’Europe a protégé les agriculteurs en instaurant des quotas de manière à soutenir les cours. L’ouverture brutale au marché pendant la présidence française de l’Union européenne par Nicolas Sarkozy a précipité la dérégulation et favorisé une surproduction dont nous payons les conséquences. Nous subissons de plein fouet la concurrence de nos voisins, qui produisent en masse sans s’astreindre à la protection sociale des employés souvent d’origine étrangère. Ajoutons à cela le ralentissement de l’économie chinoise et les conséquences de l’embargo russe, et nous aurons une partie de l’explication.

Une autre partie concerne la distribution, où la concentration amène à une guerre des prix dont les consommateurs sont les otages et qui pousse à une baisse constante de la part revenant aux producteurs. Une troisième partie serait l’attitude même des agriculteurs, qui ont plongé dans le mirage du productivisme, s’endettant sans fin pour atteindre la masse critique de la rentabilité. Une partie d’entre eux s’en tire fort bien, ceux dont le marché est porteur, alors que la majorité du petit peuple paysan tire le diable par la queue et semble condamné à disparaitre. Les marges de manœuvre d’un gouvernement sont assez faibles et les critiques de Bruno Lemaire font rapidement litière de son passage au ministère de l’Agriculture, où il n’avait pas, que je sache, résolu sur le fond les problèmes légués à son successeur après en avoir hérité lui-même. Il faut donc voir dans les déclarations de la présidente du Front national une grande part de rodomontade quand elle demande « la peau » du commissaire européen à l’agriculture. Le monde paysan aura, je l’espère, assez de bon sens pour ne pas se laisser abuser par des solutions simplistes à un problème compliqué.