Martine sort du bois

Au moment de la campagne des primaires de la gauche en 2011, Martine Aubry avait pointé les imprécisions de son concurrent de l’époque, un certain François Hollande, en citant un proverbe attribué à sa grand-mère : « quand c’est flou, c’est qu’il y a un loup ». Déjà à cette époque, la maire de Lille opposait droite dure et gauche molle, dont elle pensait qu’elle n’aurait aucune chance. C’est peut-être la raison pour laquelle le candidat Hollande avait ensuite gauchi son discours, se faisant élire sur un programme social ambitieux, contre la finance qui était son ennemi de l’époque.

On a vu ce qu’il en est resté. On se croirait revenu aux plus beaux jours de la SFIO, quand les déclarations et les motions des congrès étaient toutes plus révolutionnaires les unes que les autres, et que les gouvernements étaient de plus en plus tièdes. Profitant du fait que le chat s’est absenté à l’autre bout de la terre, la souris a donc esquissé un pas de danse avec les écolos tendance Cohn-Bendit, les frondeurs de Christian Paul et diverses personnalités de la société « civile » favorables à la tenue de primaires à gauche. On avait déjà entendu un « ras-le-bol d’Emmanuel Macron » il y a peu. Cette fois, la formule est plus générale : « trop, c’est trop ! » et vise à la fois le gouvernement dans son ensemble et le président en particulier. La petite Martine a enfilé son capuchon rouge et a décidé d’aller porter une galette et un petit pot de beurre à sa mère-grand, quitte à devoir traverser la forêt et risquer d’affronter le fameux loup.

Et c’est là que l’on attend le petit chaperon rouge Aubry, qui a souvent refusé l’obstacle dans le passé, mis à part la primaire perdue, ce qui pourrait l’avoir échaudée. On pensait généralement qu’après son départ de la direction du PS, elle prendrait la tête des contestataires, dont le chef de file souffre d’un manque évident de notoriété, tandis que les anciens ministres, Benoit Hamon, Arnaud Montebourg ou Aurélie Philipetti se sont mis en retrait, en attendant des jours meilleurs. Ses intentions ne sont toujours pas évidentes. Des déclarations aussi critiques sont susceptibles de diviser profondément et durablement les deux tendances qui coexistent tant mal que bien au sein du PS, entre gauche libérale, si tant est que ces deux termes soient compatibles et gauche sociale, ce qui devrait être un pléonasme. Martine saura-t-elle recoller les morceaux ?