Fumer tue
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le jeudi 4 février 2016 10:55
- Écrit par Claude Séné
Mais pas le ridicule. Impossible actuellement d’ignorer les effets néfastes du tabac, rappelés déjà en gros caractères et qui supplanteront bientôt les marques dans les futurs paquets « neutres ». En dehors de son sens littéral, dans la langue verte chère à Albert Simonin, mais largement tombée en désuétude, fumer veut également dire tuer. C’est dans cette acception qu’il est employé dans un spot publicitaire gratiné en vue de promouvoir une marque suisse de montres. On y voit Gérard Depardieu en chasseur français poser avec son trophée et déclarer : « pour fumer un cerf, il faut toujours être à l’heure… »
Pour ceux d’entre vous qui n’ont pas la couleur, je précise que « notre » Gégé national porte une chemise ouverte à la Bernard Henri Lévy sous une veste sport, il tient dans la main droite une carabine ou un fusil, je n’ai jamais su la différence, et dans la gauche il joue avec une douille que l’on pourrait prendre pour un fume-cigarette. Les manches sont bien relevées pour que l’on puisse admirer de près la montre à 14 000 euros qui lui a permis d’être « à l’heure » et de provoquer la dernière heure de l’animal, à qui il lance un baiser ironique en prononçant son oraison funèbre : « c’était son heure… »
Voilà un grand moment que Dipardiou multiplie les provocations, tout en se prenant pour un donneur de leçons, défendant l’indéfendable, habillant de convictions toutes fraîches des positions opportunistes où il est toujours gagnant financièrement, mais de moins en moins moralement. Dans cette publicité aussi, pour laquelle il a dû toucher un cachet confortable, il glisse le slogan final : « proud to be Russian », fier d’être Russe, qui s’adresse à la clientèle de ces montres de luxe, les nouveaux Russes. L’acteur français semble avoir oublié le point principal dans une existence. Il ne sert à rien d’être à l’heure si l’on n’est pas au rendez-vous de l’histoire et si l’on épouse les mauvaises causes. Dans ce cas aussi, le temps ne fait rien à l’affaire, comme le chantait Brassens. Autant le personnage anarchiste qu’il jouait dans Mammuth pouvait apparaitre sympathique, même quand il forçait tout sur son passage en poussant son caddy de supermarché, autant l’oligarque cynique et blasé qu’il joue désormais dans la vraie vie ne peut que susciter incompréhension et rejet.