Après lui le déluge

On se demande parfois si les technocrates chargés de trouver un nom à une disposition législative ou réglementaire se sont donné la peine de réfléchir quelques minutes avant d’arrêter leur proposition, et l’on s’interroge encore plus sur l’inconscience qui pousse les politiques, censément plus au fait des questions de communication, à les accepter. L’écueil est parfois évité en donnant tout simplement à la loi le nom de son promoteur. Nous en avons connu des dizaines, car la France est apparemment championne du monde en production législative, bien qu’elle soit parmi les cancres en ce qui concerne les décrets d’application.

Il semblerait que les services ministériels veuillent rehausser le prestige de la moindre disposition en l’affublant d’un nom pompeux, décrivant exhaustivement les objectifs et les moyens de la mesurette. Du coup, le nom s’orne de rallonges, le rendant impossible à énoncer en entier, pour des raisons de commodité. Sachant qu’il va être inéluctablement abrégé, les fonctionnaires chargés de l’affaire s’efforcent de le rendre prononçable, quitte à tordre un peu la signification première du texte. C’est ainsi que nous avons eu droit à la loi ALUR, également connue sous le nom de loi Duflot, du temps où la chef de file des écologistes ne dédaignait pas la fonction ministérielle. Je dois avouer qu’il m’a fallu remonter à la source pour retrouver la signification des initiales, et reconstituer le titre original de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové. Le moins que l’on puisse dire, c’est que c’est Cécile Duflot, qui en a de l’allure, après une loi votée aux forceps, qui n’a pas permis, pour l’instant, de résorber le déficit en logements sociaux et en logements tout court.

Mais venons-en aux faits. Mon petit doigt, en l’occurrence le journal Libération, m’a dit que le ministre de l’Économie Emmanuel Macron, préparait activement un deuxième volet à sa réforme, dont le contenu fourre-tout a tellement plu au Medef. La loi Macron 2 pourrait porter le nom poétique de « nouvelles opportunités économiques », ce qui en novlangue s’écrirait Noé. Tiens, tiens, comme c’est intéressant. La métaphore biblique est criante de vérité. Tel le patriarche de l’Ancien Testament, Emmanuel Macron prévoit le déluge et se construit une arche pour survivre après le châtiment divin. Pour repeupler la terre, il veut conserver un exemplaire de chaque espèce vivante, comprenez les entreprises, pour les installer dans une société libérale régie par les 10 commandements du marché. Mais sera-t-il prophète en son pays ?