La foi du charbonnier
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le mercredi 30 décembre 2015 11:11
- Écrit par Claude Séné
Mettez-vous à genoux et priez, faites semblant de croire et bientôt vous croirez. Tel est le pari de Blaise Pascal, dont Prévert a affirmé qu’il était stupide. Comme un épicier, Pascal soupèse les avantages et les inconvénients de la croyance en Dieu, pour en retirer la conviction que l’on ne peut que gagner dans la foi, puisqu’on ne perd rien si Dieu n’existe pas. D’où cette attitude qui consiste à exercer le simulacre dans l’espoir qu’il se transformera en réalité, une sorte de méthode Coué en somme.
J’ai fortement pensé à cette philosophie de vie en voyant un reportage d’une station régionale de FR3 sur une psychothérapeute qui se proposait de donner en pleine rue des câlins aux passants volontaires, qui, curieusement, ne se bousculaient pas pour bénéficier de cette marque d’affection purement artificielle. Cette idée nous vient une fois encore des États-Unis, où se pratique le « hug », une forme d’embrassade au sens étymologique qui consiste à se prendre mutuellement dans les bras en conservant une distance de bon aloi, tout en se prodiguant des frottements réciproques dans le dos ou sur les bras. Pour les Américains, cela semble leur apporter du réconfort dans les circonstances difficiles telles qu’un deuil. J’imagine que l’efficacité de cette pratique est quand même directement liée à la sincérité de l’élan qu’elle est censée manifester, ce qui expliquerait l’enthousiasme très modéré pour l’initiative de la psychologue.
Je rapprocherai ce comportement de celui qui consiste à se mettre en rond avec des adeptes de la rigolo thérapie pour s’esclaffer en chœur alors que l’on n’a aucun motif particulier de se réjouir. Vus de l’extérieur, ces éclats de rire parfaitement factices, accompagnés de gondolages complètement artificiels, peuvent en effet prêter à sourire, mais du côté spectateur, tant la situation parait ridicule. Il parait que ça marche et que le rire devient « naturel ». Pour ma part, je n’ai pas encore eu recours à ces expédients, et les occasions de rire ne m’ont jamais manqué pour autant.
Ces différentes attitudes me semblent des avatars d’une conception mécaniciste de l’être humain, où il suffirait d’appuyer sur un bouton pour obtenir le résultat souhaité. C’est ce qui explique le succès des thérapies dites comportementales, où il ne s’agit rien moins que de conditionner un individu un peu à la manière du chien de Pavlov, afin de lui inculquer les « bonnes manières ». Malheureusement, ou heureusement, nous sommes un peu plus complexes.