Le serpent de mer

Après les élections régionales et leurs résultats contrastés, le microcosme politico-médiatique a repris ses spéculations de politique-fiction, en agitant une nouvelle fois l’hypothèse d’une recomposition qui verrait la gauche et la droite s’allier dans une vaste coalition pour faire barrage à la montée du Front national. L’illustration parfaite de ce fantasme a été donnée par la rencontre de François Hollande et Xavier Bertrand à l’occasion de l’inauguration du monument des fraternisations, en hommage aux soldats français et allemands de la Première Guerre mondiale, que les gouvernements opposaient, mais qui vivaient les mêmes épreuves dans les tranchées.

D’ailleurs, l’exemple de cohabitation nous vient d’Allemagne, où la Chancelière s’appuie sur un exécutif issu des deux grandes formations habituellement opposées. Pas certain que l’expérience soit transposable en France, si l’on se réfère à la parenthèse Giscard D’Estaing, qui pensait que deux Français sur trois voulaient voir le pays être gouverné au centre, avec l’issue que l’on connait. Les institutions de la 5e République ont été conçues sur le bipartisme, une majorité et une opposition, et s’accommodent mal d’une troisième force, au grand désespoir des centristes.

Cela n’empêche pas les spéculations d’aller bon train, ni la presse de souligner les positions surprenantes des présidents de région de droite, élus grâce aux voix de gauche. Que ce soit Christian Estrosi, l’ancien motard, qui a amorcé un virage à 180° en créant un organisme consultatif destiné à associer les élus de sa région aux décisions, ou Xavier Bertrand, qui démissionne à ses autres mandats électifs et renonce à briguer d’autres postes pour l’instant, faisant preuve d’une humilité inhabituelle.

La photo montrant le président de la République aux côtés du président de la région Nord Pas de Calais Picardie, a pris valeur de symbole d’une union républicaine contre l’extrême droite, peut-être un peu trop rapidement. On sait que l’existence du monstre du Loch Ness a toujours été contestée, du fait qu’aucune preuve scientifique ne pouvait en attester. Ce ne sont pourtant pas les photos qui ont manqué. La plupart sont malheureusement tellement floues que l’on ne peut en tirer aucune conclusion, sans compter les canulars mis en scène par de petits malins, dans le but de se faire mousser. Il reste à savoir dans quelle catégorie il faudra ranger le cliché Hollande Bertrand. Pour ma part, je reste convaincu que les valeurs de la carpe et celles du lapin font rarement bon ménage.