Dommages collatéraux
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le dimanche 29 novembre 2015 11:35
- Écrit par L'invitée du dimanche
C’est délibérément que je choisis de plomber un peu l’ambiance générale qui est au recueillement, à l’empathie et à la compassion pour les victimes, leurs familles, les orphelins laissés-pour-compte dans ces actes de sauvagerie et de barbarie qui ont touché Paris ! Je plombe l’ambiance, car j’ai envie de rompre cet état émotionnel énorme qui a contre toute attente touché le monde entier. Je suis encore sensible à la gravité du moment, à l’image d’unité nationale donnée lors de la cérémonie des Invalides, et pourtant je ne peux m’empêcher de réfléchir aux conséquences des mesures prises dans cette ambiance de deuil.
Quand on regarde de près, on voit bien que la décision de prolonger l’état d’urgence avec ses dérives possibles : perquisitions trop musclées, à outrance ou parfois inappropriées, tenues à résidence pour des militants écologistes, autorisation de port d’armes pour les policiers en dehors de leurs services, interdiction de toute manifestation… entraîne la mise en place de mesures largement préconisées auparavant par la droite et l’extrême droite qui d’ailleurs se font des gorges chaudes de voir que le gouvernement se rallie à leurs propositions. Alors, premier dommage collatéral, la gauche n’est plus la gauche, déjà qu’on avait des doutes, maintenant ils sont dissipés !
Pendant trois mois la France va se trouver muselée pour exprimer ses revendications sociales par exemple, cela ne va-t-il pas encourager le patronat à prendre des mesures drastiques sur l’emploi, deuxième possible dommage collatéral.
Préoccupé par la mise en place d’une défense internationale contre Daech, le gouvernement ne va-t-il pas délaisser les urgences économiques, sociales et éducatives, autre dommage collatéral, on peut ajouter la montée du communautarisme, l’exacerbation du racisme, le rejet des étrangers…
Je vous laisse trouver tout seuls toutes les conséquences qui vont découler de cet état de fait qui non seulement ne nous sécurise pas, mais nous fait courir le risque de perdre certaines de nos libertés et certains de nos droits les plus chers.
Je suis heureuse d’apprendre ce matin que le journal Le Monde a créé un blog qui se veut un observatoire des conséquences négatives de l’état d’urgence. On pourra y recenser tous les excès, les manquements, les dérives. Triste consolation, cela n’aura qu’un effet d’information, mais c’est déjà pas mal.
À titre individuel, je sais que toutes les décisions que je prends lorsque je suis submergée par mes émotions qu’elles que soient leur nature, je les regrette presque toujours. Notre président et notre gouvernement ont-ils pris assez de distance par rapport au climat ambiant, ont-ils fait des concessions électoralistes en surenchérissant dans la sécurisation (la cote du président est en hausse grâce à son costume de chef de guerre, on aurait aimé que ce soit grâce à ses victoires sur les injustices sociales par exemple) j’aimerais en avoir le démenti, sinon on serait en droit de se sentir manipulés et en colère de voir les manifestations sincères de notre soutien patriotique vilainement récupérées ! Quand la raison froide reprendra enfin ses droits, la France comme moi ce matin, risque de se réveiller avec une bonne gueule de bois.
L’invitée du dimanche