L’énergie du désespoir
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le lundi 26 février 2024 11:03
- Écrit par Claude Séné
« Mon adversaire, c’est le monde de la finance », s’était exclamé François Hollande pendant sa campagne présidentielle en janvier 2012. Une formule qui allait se révéler gagnante, et cela bien que le président une fois élu s’empresse de mettre en œuvre une politique plutôt tiède à l’égard de ceux qu’il dénonçait auparavant. Emmanuel Macron, mis en grande difficulté au Salon de l’Agriculture, où il s’est fait huer, conspuer, menacer par une partie des paysans venus réclamer des mesures d’urgence aux cris de « Macron, démission », a donc voulu jouer le tout pour le tout, en désignant un épouvantail, responsable de tous nos maux, le Rassemblement national.
À l’entendre, on pourrait croire que ses adversaires ont inventé de toutes pièces la crise agricole et que le monde paysan s’est laissé manipuler par un Jordan Bardella, il est vrai peu avare de selfies et de poses avantageuses. Il semble oublier qu’il a lui-même utilisé cette vieille recette pour se faire élire et réélire et qu’il continue d’en user et d’en abuser à coup de « grands débats ». Le président a payé de sa personne en restant visiter pendant 13 heures le Salon sous bonne escorte policière, pour un résultat mitigé qui a obligé le Premier ministre à faire lui aussi acte de présence et pratiquer l’art de la boustifaille en appliquant la méthode Chirac. C’est qu’il y a le feu au lac et les sondages sur les élections européennes ne présagent rien de bon pour le parti présidentiel. Il faut donc d’urgence rediaboliser le Rassemblement national, qui serait l’ennemi public numéro un, soupçonné de fomenter un « frexit » sournois et de saper l’institution européenne de l’intérieur. Rien n’y fait. Le Rassemblement national devance la coalition de Macron d’une dizaine de points au bas mot.
Au point que la nécessité de désigner enfin la tête de liste aux Européennes est devenue incontournable. Et la gagnante serait : Valérie Hayer, une illustre inconnue, bien que présidente du groupe Renew au parlement européen. Sa principale qualité, elle l’emprunte à Michel Serrault dans le film de Pierre Tchernia, la gueule de l’autre : elle est en effet « fille d’agriculteur, petite fille d’agriculteur », mais malheureusement pas « agricultrice elle-même », plutôt une pure technocrate spécialisée en droit public et en politique financière. Il ne lui restera, si elle est désignée officiellement, que quelques mois pour ébaucher un programme et tenter d’inverser la tendance d’une notoriété proche de zéro. Elle ne doit pas non plus se précipiter tant que son chef, Emmanuel Macron, n’aura pas défini l’ampleur des concessions qu’il devra faire pour calmer les agriculteurs. Pour le moment, il envisage de débloquer des fonds d’urgence et propose des prix agricoles planchers dont il ne voulait pas entendre parler il y a seulement 3 semaines, mais on est encore loin du compte.