Actors studio

Les circonstances ont voulu que je ne voie que les 5 dernières minutes de l’hommage national rendu aux résistants étrangers à l’occasion de l’entrée au Panthéon de Missak et Mélinée Manouchian accompagnés par leurs 22 compagnons d’infortune, fusillés au Mont-Valérien 80 ans plus tôt, jour pour jour. C’est peu, et néanmoins suffisant pour se rendre compte que le président de la République n’est jamais aussi content, surtout de lui, que lorsqu’il a l’occasion de jouer un rôle qui le met en valeur, que dis-je, en majesté, objet de tous les regards, toutes les attentions, comme au moment de son investiture en 2017.

Emmanuel Macron semble avoir choisi la méthode de Lee Strasberg avec l’Actors studio qui consiste, non pas à interpréter un rôle, mais bien incarner ce personnage comme si c’était sa propre vie qui se jouait. D’où son air pénétré pour prononcer la moindre réplique comme si Shakespeare en personne l’avait écrite. C’est pourtant là que le bât blesse. Il se murmure que le Président écrit lui-même les discours les plus importants. J’aurais tendance à le croire en entendant certaines formules répétées à l’envi par paresse intellectuelle, telles que « c’est donc ainsi que les hommes vivent » dont l’altération maladroite annihile l’effet poétique. Plutôt que de parler avec son cœur, Macron reprend les expressions des poètes authentiques, tels que Louis Aragon ou Léo Ferré. Qu’il le veuille ou non, le modèle indépassable du président Macron restera le discours d’André Malraux en hommage à Jean Moulin, qu’aucun autre personnage politique ne pourrait plus désormais prononcer, son outrance même ne pouvant appartenir qu’à son auteur. Il ne lui restait donc que la retenue et la réserve, que, malheureusement, il n’a fait que surjouer en les soulignant à l’excès.

Tout se joue alors sur des détails, comme ce silence à la fin de l’allocution, qui dure quelques secondes de trop, comme pour indiquer à l’auditeur distrait que la cérémonie est bel et bien terminée et que le silence qui suit Macron vaut bien celui qui suivait Mozart. C’est dans des moments tels que celui-là que l’on mesure à quel point Emmanuel Macron a raté sa vie, bien qu’il aura largement les moyens de se payer plusieurs montres de luxe bien avant son cinquantième anniversaire. Non seulement il n’aura pas réalisé son rêve secret de devenir un acteur reconnu à la manière d’un Gérard Philippe, mais il aura sacrifié sa vocation artistique au profit douteux d’une action politique dont on a l’impression qu’elle l’ennuie de plus en plus profondément. Une petite perte pour le théâtre, dont ils se remettront, lui et l’art dramatique, et des dégâts qui pourraient être durables sur l’avenir de son pays, qui est aussi le nôtre, bien qu’il s’obstine à agir à rebours de l’intérêt général.