À point nommé
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le mercredi 21 février 2024 10:52
- Écrit par Claude Séné
Si l’imam Mahjoub Mahjoubi n’existait pas déjà, il faudrait l’inventer. Cet homme d’origine tunisienne exerce sa fonction à Bagnols-sur-Cèze dans le Gard, où il réside depuis 1989 en compagnie de sa femme et de ses deux enfants, qui y sont scolarisés. Apparemment, en une trentaine d’années d’exercice de ses fonctions religieuses, il n’avait pas attiré l’attention des autorités avant que des vidéos de ses prêches tournées récemment et diffusées sur les réseaux sociaux n’alertent le préfet du Gard, et déclenchent une procédure pouvant le conduire à son expulsion du territoire français. En cause notamment, et principalement, une allusion au drapeau tricolore français, qualifié de « satanique ».
Il n’en fallait pas plus pour que le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, très discret pendant la fronde paysanne des dernières semaines, y voie l’occasion de se remettre sous les feux de l’actualité et de reprendre la main. En grattant un peu, on pourra aussi reprocher à l’imam maladroit des propos ambigus sur la condition féminine, inféodée de fait au patriarcat, et des allusions au conflit israélo-palestinien, prétexte à des accusations d’antisémitisme. L’imam, ayant probablement pris conscience tardivement des implications négatives de ses propos qui pourraient lui nuire gravement et amener à une obligation de quitter le territoire français, a écumé tous les plateaux pour tenter de s’expliquer. Il y a fait référence à des maladresses de sa part et à des « lapsus » qui ne reflèteraient pas sa pensée. Interrogé explicitement sur ses opinions sur les différents sujets, il a pour le coup fait un sans-faute. Non, il ne renie pas le drapeau français, il ne considère pas que la loi coranique serait supérieure à la loi française, il est favorable à l’éducation des fillettes, bref, il est irréprochable et va même jusqu’à présenter des excuses, s’il a choqué quelqu’un.
La plupart des publics auxquels ce discours s’adresse ne paraissent pas avoir été convaincus de sa sincérité, mais les faits qui lui sont reprochés ne semblent pas assez caractérisés pour justifier une expulsion, en particulier sous l’angle d’un appel éventuel à la radicalisation, voire d’une apologie du terrorisme. À mon avis, le pouvoir, et notamment celui qui est supposé incarner l’autorité, le premier flic de France, essaie de se refaire la cerise à bon compte en mettant en exergue un bouc émissaire que l’on pourra charger de tous les péchés d’Israël avant de le renvoyer dans un désert à l’étranger. On flattera ainsi au passage les électeurs du Rassemblement national ou des Républicains les plus sectaires. À condition que les procédures aillent à leur terme, sans être retoquées par la Convention européenne des droits de l’homme, ni par un recours légal devant un tribunal administratif. Quoi qu’on pense du personnage, il a droit à un traitement équitable de la justice dans son pays d’adoption.