En quatrième vitesse
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le mardi 20 février 2024 10:58
- Écrit par Claude Séné
On a oublié l’origine de cette expression, qui semble remonter aux balbutiements du développement des véhicules automobiles, du temps où les boîtes de vitesse étaient limitées en nombre de rapports et que les rares véhicules équipés de quatre vitesses étaient les seuls à pouvoir atteindre des sommets grâce à leur « pointe de vitesse » fabuleuse, celle-là même qui permettait au français Gaston de Chasseloup-Laubat de dépasser les 60 kilomètres par heure de moyenne en 1898. La barre symbolique des 100 km/h devait être franchie l’année suivante par le Belge Camille Jenatzy à bord de sa « Jamais contente ». C’est peut-être aussi de cette époque qu’il faut faire remonter le constat de société à deux vitesses.
Les résultats des entreprises pour l’année 2023 commencent à être connus, et l’on est pris de vertige devant les bénéfices records de certaines d’entre elles, et notamment celles qui ont trait à l’industrie automobile, un secteur pourtant promis à la disparition avec l’épuisement progressif des énergies fossiles, mais qui n’arrête pas d’engranger des profits records. C’est le cas notamment pour le groupe international Stellantis, auquel appartiennent les marques françaises telles que Peugeot ou Citroën. Pour 2023, le résultat net est de plus de 18 milliards d’euros, sachant que l’optimisation fiscale des grands groupes permet de minimiser les bénéfices apparents et d’utiliser au mieux les largesses de la loi dans les différents pays. La direction, grand seigneur, propose diverses primes aux salariés, environ 4100 euros au total, cependant que les actionnaires bénéficient automatiquement des plus-values boursières, et que le patron peut demander sa part du gâteau, sans que cela choque les ouvriers, et encore moins les administrateurs qui voient d’un bon œil progresser leurs jetons de présence.
Chez Renault, les chiffres sont moins spectaculaires, mais la marque a renoué avec les bénéfices après une année difficile, et que dire des profits records de Total ? Il en va de même pour d’anciens monopoles d’État tels que la SNCF ou EDF pour ne citer qu’eux. On ne peut que se réjouir de la bonne santé de ces secteurs industriels, tout en constatant les disparités énormes des revenus des salariés selon le lieu d’exercice où ils se trouvent. Le pouvoir d’achat des Français aurait, paraît-il, légèrement augmenté en moyenne, mais pour la plupart des gens, c’est le renchérissement des produits de première nécessité et la stagnation des salaires qu’ils constatent. Ce n’est même plus une société à deux vitesses à laquelle on assiste, mais à une infinité de vitesses différentes. Jusqu’à la capacité revendicative qui varie énormément. Si vous disposez d’un pouvoir de nuisance, ou de gêne vis-à-vis des usagers d’un service, comme les contrôleurs de trains, vous aurez une chance de vous faire entendre, malgré les insultes que vous devrez vous préparer à subir. Et si vous appartenez à une catégorie sociale telle que la paysannerie, vous serez intouchable, mais votre sort restera précaire.