La grande illusion

Le président qui avait publié son livre-programme en novembre 2016 sous le titre volontairement trompeur de « Révolution », un comble pour un néo-libéral favorable à la conservation des valeurs, notamment financières, et dont le plus clair de l’action allait s’attacher à favoriser toujours plus les nantis, au détriment des classes populaires, a choisi le journal communiste « l’Humanité » pour exposer ses orientations pour le reste de son deuxième quinquennat. Personne ne sera dupe. Il fait de même que Sarkozy en son temps, qui avait tenté de récupérer à son profit l’image du jeune résistant communiste, Guy Môquet, exécuté en 1941 à l’âge de 17 ans en compagnie de 26 autres otages dans la carrière de la Sablière près de Châteaubriant.

Cette fois, Emmanuel Macron profite de la panthéonisation de Missak et Mélinée Manouchian, victimes eux aussi des nazis, et membres des FTP-MOI, francs-tireurs et partisans, main-d’œuvre immigrée, section du parti communiste français, pour tenter de se parer des plumes du paon comme à son habitude et prendre toute la lumière possible à cette occasion. Pour le président privé de majorité et dont la liste en vue des élections européennes n’a même pas encore trouvé de figure de proue pour l’emmener vers un succès éventuel très compromis, cet entretien est le moment choisi pour esquisser une stratégie en vue de limiter les dégâts. C’est ainsi qu’il dénie par avance au Rassemblement national toute légitimité à participer à l’hommage de la nation aux deux résistants arméniens pour leur entrée solennelle au Panthéon. Comme il ne peut pas décemment se substituer à la famille, comme il a tenté de le faire pour Robert Badinter, il fait appel à une notion mal définie, celle de l’appartenance à « l’arc républicain », dont il serait seul juge. Il désavoue au passage son Premier ministre, qui a récemment accordé ce label à tous les partis représentés au Parlement.

Sans être totalement affirmatif, il désigne également « des membres éminents » de la France insoumise comme exclus de ce fameux arc. Ce qui s’appelle faire flèche de tout bois, en somme. Cette position de juge et partie est très commode, car elle lui permet de restreindre la confrontation à un duel entre lui-même ou un poulain adoubé par son camp, et l’extrême droite, représentée par Marine Le Pen. C’est un jeu dangereux. Si l’on en juge par les sondages, aucun candidat potentiel ne semble en mesure actuellement d’arrêter la résistible ascension de la fille de son père en 2027. À force de se mettre en scène à tout propos et hors de propos, Emmanuel Macron ne va laisser à la postérité qu’un champ de ruines et rester dans l’histoire comme celui qui aura fait le lit de ceux-là mêmes qu’il prétendait combattre.