La mauvaise foi

Qui peut dire qu’il ne l’a jamais pratiquée même incidemment ?

Elle se caractérise par une volonté d’affirmer un propos que l’on sait foncièrement faux ou injustifié, mais que l’on continue à clamer comme la vérité. Cela revient à nier une évidence, contre toute logique, c’est une forme de malhonnêteté, de tromperie.

Pour Sartre, on dit de mauvaise foi celui qui par amour-propre ou par intérêt, s’obstine contre cette évidence. Il ne trompe personne, surtout pas lui-même, c’est un mensonge à soi-même, contrairement au menteur qui ment à son interlocuteur. C’est une conduite accompagnée de beaucoup d’émotions, pâleur ou rougeur, cris, colère, larmes. Schopenhauer dans « l’art d’avoir toujours raison » donne 38 ficelles pour démontrer qu’on a raison quand on sait qu’on a tort !

La mauvaise foi génère du stress chez les autres, elle agace… face à la mauvaise foi, il ne faut surtout pas jouer le jeu de créateur qui a raison, qui reviendrait à l’attaquer, et à lui faire perdre la face.

La mauvaise foi est la démonstration d’une difficulté à se remettre en question, à reconnaître que l’on a pu se tromper, nier sa responsabilité dans les événements en les imputant aux circonstances ou à d’autres, c’est beaucoup plus subtil que le mensonge. Pratiquer la mauvaise foi est une attitude très narcissique, une marque d’égocentrisme, on s’estime trop parfait pour se tromper, ce sont les autres qui ont tort. Autrement dit, on n’assume pas sa responsabilité dans une situation donnée, malgré les preuves de sa culpabilité.

Ne pas reconnaître ses torts empêche tout dialogue !

Mentir, c’est ne pas dire sciemment la vérité pour tromper l’interlocuteur, l’induire en erreur, être de mauvaise foi, c’est peut-être croire en ce que l’on dit, avoir foi en sa parole en étant dans l’erreur, en tout cas essayer de convaincre que l’on croit en ce que l’on dit.

Les négationnistes de tout poil, de Jean-Marie Le Pen à Michel Onfray, savent bien la pratiquer, pour faire passer leur vérité et manipuler les pensées, contre toutes preuves historiques qui pour eux sont le résultat de complots.

Cela nous amène à la mauvaise foi en politique, pratiquée par presque tous les partis, à toutes les époques, dans tous les pays, Trump, Poutine, en sont les rois, amenant à nier les évidences des génocides, de l’holocauste… un politicien utilise la mauvaise foi pour revenir dans ses déclarations et promesses précédentes quand le vent tourne, malgré les preuves enregistrées de ses interviews et déclarations ! petit exemple…, Marine Le Pen, dans son revirement sur sa déclaration « sur la sortie essentielle de l’euro » en 2011, devenue en 2022 « je n’ai pas dit que je voulais supprimer l’euro, je voulais parler de mettre en place une autre monnaie »

Pour Sartre, la mauvaise foi tient une grande place en philosophie, « elle est l’envers de la liberté, » comme le mensonge est l’envers de la vérité, car « elle consiste à faire semblant de croire », qu’en fonction des circonstances nous ne sommes pas libres de nous présenter tels que nous sommes réellement, nous abandonnons notre “être” pour revêtir le “paraître”, pour se conformer à l’image de ce que nous pensons que l’on attend de nous » 

C’est une approche qui permet peut-être de se pardonner à soi-même les moments de mauvaise foi : c’était pour sauver la face !    

L’invitée du dimanche