La main tremblante
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le mercredi 14 février 2024 11:18
- Écrit par Claude Séné
Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, en visite à Mayotte dans le 101e département français, en proie à des manifestations d’une partie de la population contre l’immigration massive sur l’île, a tenté de calmer les protestataires en annonçant la remise en cause du droit du sol sur ce département. Une telle mesure porterait clairement atteinte à l’égalité des droits entre citoyens français, et nécessiterait à l’évidence une révision de la Constitution, qui est loin d’être acquise. Rappelons que pour être adoptée une loi de révision doit d’abord être votée dans les mêmes termes à l’Assemblée nationale et au Sénat, avant d’être adoptée, soit par référendum, soit par les députés et les sénateurs réunis en Congrès à la majorité des trois cinquièmes.
Cependant, ce parcours du combattant, qui semblait impraticable à certains lorsqu’il s’agissait d’inscrire le droit à l’IVG dans notre texte de référence, est devenu comme par magie un chemin fait de lys et de roses au nom de l’intérêt supérieur de la population déjà établie en France, menacée d’être submergée par des hordes d’étrangers voulant profiter à nos dépens de notre niveau de vie. C’est ainsi que Gérard Larcher, président du Sénat, rappelait il n’y a pas si longtemps la formule de Montesquieu qu’il ressort chaque fois que ça l’arrange : « il ne faut toucher à la Constitution que d’une main tremblante ». Et dans un sens, il n’a pas tort. Si l’on modifie le droit à Mayotte, rien n’empêchera de faire de même sur tout le territoire, métropole comprise. C’est d’ailleurs ce que le Rassemblement national s’est empressé de réclamer, et le patron des Républicains, Éric Ciotti, lui a emboité le pas, sans vraiment nous surprendre.
Si le gouvernement ouvre cette boite de Pandore, il doit s’attendre, comme pour la loi immigration récente, à une avalanche de propositions de droite et d’extrême droite pour durcir les dispositions envisagées. Les restrictions sur l’attribution de nationalité n’ont apparemment eu aucun effet sur le nombre de candidats à l’immigration. Reste à connaître la position officielle du président actuel. Je serais surpris qu’il prenne le risque d’une consultation directe des Français par la voie référendaire, même si l’épouvantail migratoire peut faire peur à beaucoup. Les gouvernants ont été échaudés par l’échec de 2005. Selon les politologues les plus distingués, le peuple a tendance à profiter de ces rares occasions pour désavouer le pouvoir en place, sans s’occuper de la question posée. Le résultat le plus probable de cette agitation, c’est qu’elle se dilue progressivement au profit des sujets qui préoccupent vraiment les Français, à savoir l’inflation sur les biens de consommation et l’énergie, avec son corollaire, le niveau de vie. Quant aux questions d’organisation de la vie en société, peut-être faut-il voir plus grand et convoquer une véritable Assemblée constituante en vue d’une 6e république !