Gouverner c’est prévoir
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le mardi 13 février 2024 10:45
- Écrit par Claude Séné
Cette formule d’Émile de Girardin, extraite de son ouvrage « La politique universelle » paru en 1852, s’impose à tous comme une évidence, et l’on oublie généralement la suite : « ne rien prévoir, ce n’est pas gouverner, c’est courir à sa perte ». Sommes-nous gouvernés ? Assurément, oui, bien que certains membres du gouvernement ont pu nous donner l’impression du contraire, au point que l’absence de titulaires dans la moitié des ministères jusqu’à un passé récent, n’a pas fait apparaitre de manque vraiment criant. Avoir un gouvernement dument désigné par le président de la République ne préjuge pourtant en rien de son efficacité.
J’en veux pour preuve deux évènements récents qui me paraissent démontrer que si le pire n’est jamais sûr, le bien ne l’est pas davantage. Souvenons-nous. Le gouvernement français avait annoncé en grande pompe la mise en place d’un leasing social destiné à permettre aux nécessiteux ayant la fibre écologique de rouler en voiture électrique pour moins de 100 euros par mois. Peu après, il fallait déjà corriger la copie en précisant que cette mensualité ne comprenait pas la prime d’assurance. Mais à ce prix-là, une subvention de la moitié de la valeur de la voiture, ça restait une affaire, au point d’épuiser en quelques semaines le crédit global alloué par Bercy pour l’année 2024 tout entière. Il a donc fallu fermer le robinet de toute urgence. Roland Lescure, ministre de l’Industrie, a tenté de noyer le poisson en justifiant cette mesure par l’insuffisance de production nationale dans ce créneau, et le refus de subventionner l’industrie automobile chinoise. Une façon de camoufler l’absence de prévision fiable dans ce domaine.
Le deuxième couac concerne la réglementation sur les logements mal isolés, communément appelés « passoires thermiques ». La loi prévoit que les logements classés dans les catégories les plus mauvaises, les classes F et G, ne pourront plus être loués, à terme. Une manière de forcer les propriétaires à faire les travaux nécessaires pour continuer à percevoir les loyers de leurs occupants, pensait-on en haut lieu, là où la température ne descend jamais en dessous de 18 degrés, car la chaleur monte. Patatras ! les propriétaires ont bien compris le message, mais ils ont massivement enlevé leurs biens du marché locatif, en aggravant une situation déjà très tendue avec l’inflation et le durcissement des conditions d’obtention d’un prêt pour les acquéreurs éventuels d’un logement avec le relèvement massif des taux et les règles d’endettement. Alors, si l’on est très mauvais pour les prévisions, surtout en ce qui concerne l’avenir, nous sommes très bons pour casser les thermomètres en cas de fièvre. Il y a trop de logements en catégories F ou G ? Qu’à cela ne tienne. Il suffit de changer les critères des catégories. Et le tour sera joué, dès l’été prochain.