J’aime la galette

Savez-vous comment ? Quand elle est bien faite, et qu’il y a du beurre dedans ! C’est à ce dernier détail que j’aime à imaginer que cette fameuse galette a été inventée en Bretagne, bien que sa présence soit attestée sur tout le territoire et même au-delà de nos frontières. Cette tradition a été respectée par le président de la République qui a partagé avec un petit cercle de ministres ou de professionnels de la boulangerie et de la pâtisserie le grand gâteau confectionné à cette intention. Emmanuel Macron affichait une sérénité et une décontraction de façade en pleines rumeurs de remaniement ministériel. Il pouvait même évoquer la querelle des tenants du pain au chocolat versus la chocolatine pour mieux l’évacuer.

Cependant, le doute subsiste sur l’appellation. S’agit-il de la galette de l’épiphanie, ou du gâteau des Rois ? L’Élysée évitera d’insister sur les rois, car la France n’est plus officiellement une monarchie et les Français sont réputés pour avoir décapité leur dynastie. Mais la référence à la fête religieuse de l’épiphanie n’est guère laïque et peut froisser une partie de l’électorat. Rappelons pour mémoire que l’épiphanie, récupérée d’une fête païenne par l’église, commémore le voyage supposé des trois rois mages, Gaspard, Balthazar et Melchior, guidés par une étoile, qui seraient venus rendre hommage à l’Enfant Jésus à Bethléem. Ce serait pour cette raison qu’une fève ou une figurine est cachée dans la galette et que celui qui est désigné par le sort devient le roi du jour et peut même choisir sa reine. Dans certaines régions, on prévoit autant de parts que de convives, plus une, destinée à être offerte à un pauvre. Je ne pense pas que même symboliquement, le président souhaite perpétuer cette partie de la tradition. Il conseillerait plutôt aux malheureux dépourvus de galette de se retrousser les manches et de fabriquer leur propre gâteau, qui aura bien des chances de ressembler à une sauce caillou.

Mais la question existentielle est ailleurs, et elle risque de diviser le pays tout autant que la crise politique sur des sujets autrement plus importants. Il s’agit ni plus ni moins de la recette officielle. Faut-il que ce gâteau soit une sorte de brioche garnie de fruits confits ou de fruits secs, ou bien doit-il être à base de frangipane, donc principalement de poudre d’amandes ? En ce qui me concerne, ma religion est faite. J’opte résolument pour cette dernière version, plus moelleuse et donc moins sèche que cet autre gâteau que mon père aurait volontiers qualifié d’étouffe-chrétien, bien qu’il ait été lui-même un bouffeur de curés invétéré. Cette galette puisse-t-elle être assez grande pour qu’il y en ait suffisamment pour tout le monde !