Héritages
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le vendredi 5 janvier 2024 10:49
- Écrit par Claude Séné
C’est ce matin que les principaux dirigeants des 27 pays de l’Union européenne vont rendre un hommage appuyé à Jacques Delors qui a présidé la Commission européenne pendant 10 ans et en a été un des artisans les plus actifs. Bien qu’il n’ait jamais rencontré ce « père fondateur » de son vivant, et que Jacques Delors ne l’ait jamais soutenu explicitement, qualifiant sa politique de non sociale-démocrate, Emmanuel Macron, qui présidera la cérémonie aux Invalides, entend bien en tirer tout le profit politique possible en se posant en héritier de cette mouvance de centre gauche qu’il n’a cessé de malmener depuis son accession au pouvoir.
Je ne peux pas m’empêcher de trouver des parentés entre cette situation de captation d’héritage voulue par le chef de l’état qui n’en est pas à une indélicatesse près, et les remous qui agitent en ce moment les héritiers potentiels d’Alain Delon, qui se déchirent par presse et avocats interposés, alors que l’acteur est toujours de ce monde, bien que considérablement affaibli. Et c’est là que le bât blesse. Personne ne semble savoir jusqu’à quel point le principal intéressé a conservé des facultés mentales suffisantes pour prendre ses propres décisions en toute connaissance de cause. Anthony, le fils aîné d’Alain Delon, affirme qu’on lui a caché l’état de santé de son père et que des tests cognitifs auraient démontré son état de faiblesse, suggérant la nécessité d’une mise sous tutelle. Tous les ayants droit potentiels se sont accusés mutuellement de vouloir capter l’héritage à la fois moral et financier, et ont déposé des plaintes contradictoires, classées sans suite pour le moment.
On pourrait se dire que si Jacques Delors était encore vivant, il aurait préconisé telle ou telle solution, selon la détestable habitude des Français à faire parler les morts. On s’aperçoit ici que même vivant, on fait tenir à la star du 7e art des propos invérifiables, évoquant sa mort prochaine en sa présence, sans la moindre délicatesse. Dans les deux cas, on voit bien que ce sont les intérêts, au sens le plus matérialiste qui soit, qui motivent les prises de position des uns et des autres. On peut compter sur Emmanuel Macron pour revendiquer comme siennes les positions européennes de Jacques Delors, bien qu’il n’en soit aucunement l’inspirateur. Une personnalité consensuelle comme celle-ci est toujours utile à un chef d’État pour tenter de passer pour un rassembleur, alors même que ses lois les plus récentes ont profondément divisé le pays, en opposant les uns aux autres et en creusant les inégalités. Quant à Alain Delon, que l’on moquait souvent pour aimer parler de lui à la troisième personne, son souhait est exaucé, mais d’une façon inattendue, car tout le monde semble désormais parler de lui, mais à sa place, et qu’il parait dépossédé de sa propre existence.
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