Stop ou encore ?

Qui veut la peau d’Élisabeth Borne ? Il aura suffi d’une petite phrase au détour des vœux présidentiels, par laquelle Emmanuel Macron « remerciait » le gouvernement et la Première ministre, en illustrant l’ambigüité de ce terme, également utilisé pour licencier un subordonné, pour relancer les rumeurs quasi permanentes d’un remaniement ministériel de plus ou moins grande ampleur. Rumeur alimentée et amplifiée par le report inattendu du conseil des ministres d’une semaine, sans nécessité absolue. Voilà plusieurs mois qu’Élisabeth Borne est annoncée comme assise sur un siège éjectable et pourrait être sacrifiée sur l’autel des aléas d’une politique décidée à l’Élysée, au gré des recherches de majorités à géométrie variable.

Des noms circulent déjà pour la remplacer, mais il est plus probable que le Président sorte un nouveau lapin de son chapeau, comme il l’a déjà fait en nommant Édouard Philippe ou Jean Castex, quasiment inconnus du grand public. On cite ainsi le ministre des armées, Sébastien Lecornu, auquel Internet consacre une courte biographie pour pallier son manque de notoriété. Ou encore Christophe Béchu, aussi peu visible à son poste de ministre de la Transition écologique. Parmi les favoris de la presse, il n’y a que Bruno Le Maire qui soit relativement bien identifié, et c’est pour cette raison que le Président évitera soigneusement de le propulser au poste de Premier ministre, où il pourrait lui faire de l’ombre. Emmanuel Macron a déjà donné avec Édouard Philippe, resté depuis son passage à Matignon où il avait soigneusement montré sa loyauté à l’égard du chef de l’état, comme la personnalité la plus appréciée des Français.

Or, Emmanuel Macron a beau ne pas pouvoir se représenter en 2017, il entend bien exercer le pouvoir jusqu’au bout, sans le partager avec quiconque, excepté peut-être avec Brigitte, et à condition que cela ne se voie pas trop. Il a donc besoin d’un exécutant d’une fidélité à toute épreuve, qui ne nourrisse pas d’ambitions personnelles susceptibles de l’amener à le contredire. Autrement dit, le portrait-robot du futur Premier ministre ressemble trait pour trait à… Élisabeth Borne ! Et c’est peut-être l’hypothèse la plus crédible que de confier à l’actuelle Première ministre le soin de conduire une nouvelle équipe remaniée, dans laquelle les chouchous du pouvoir se verraient confortés, tandis que les potentiels « frondeurs » tels que la ministre de la Culture qui a cru pouvoir émettre un avis personnel sur la Légion d’honneur de l’ami du Président, seraient mis à l’écart, avec ceux qui ont eu des états d’âme vis-à-vis d’une loi sur l’immigration largement inspirée de l’extrême droite. Emmanuel Macron garderait ainsi le changement de Premier ministre pour l’après-élection européenne de juin 2024, dont on peut prédire sans grands risques qu’elles seront perdues pour le pouvoir actuel.