Les nouveaux négriers
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le samedi 23 décembre 2023 11:41
- Écrit par Claude Séné
C’est en toute discrétion qu’un Airbus A340 appartenant à une compagnie roumaine, la Legend airlines, s’est posé pour une escale technique à l’aéroport de Paris Vatry jeudi dernier. À son bord, 300 passagers de nationalité indienne, en provenance de Dubaï, aux Émirats arabes unis, qui se rendaient au Nicaragua. Un trajet supérieur à l’autonomie de l’appareil, expliquant la nécessité de se poser en cours de route. C’est une dénonciation anonyme qui a justifié le contrôle par les autorités françaises des conditions de ce transfert, qui semblerait être en réalité un trafic d’êtres humains. Deux personnes sont placées en garde à vue et interrogées par les autorités françaises, tandis que les passagers ont été pris en charge dans le hall de l’aéroport, transformé en zone d’attente, pour l’occasion.
Il semblerait que ces travailleurs indiens aient fait l’objet d’un trafic, et qu’après avoir été exploités aux émirats dans des conditions probablement inhumaines comme pendant les chantiers de la coupe du monde de football, ils étaient promis à une entrée illégale aux États-Unis ou au Canada, moyennant des sommes d’argent prélevées au passage par les trafiquants. J’apprends à cette occasion que le trafic d’êtres humains n’est pas réservé aux passages artisanaux comme on a pu en entendre parler, les fameux « passeurs » dont la droite prétend qu’ils sont encouragés par les ONG parce qu’elles refusent de laisser les migrants se noyer en Méditerranée ou dans la Manche, sans essayer de les sauver. Il existe en effet une juridiction nationale de lutte contre la criminalité organisée, la Junalco, chargée de cette question, ainsi qu’un Office de lutte contre le trafic illicite de migrants, l’Oltim. L’arsenal juridique n’est pas en reste, puisqu’un tel trafic est passible de 20 ans de réclusion criminelle et 3 millions d’euros d’amende.
Si l’on entend peu parler de ces filières d’immigration illégale, cela ne signifie pas qu’elles n’existent pas. Je soupçonne l’existence d’un réseau international comparable au trafic de drogue, dont on sait que les prises effectuées par les douanes ne représentent que la partie émergée d’un énorme iceberg. Dans ce cas particulier, le choix du charter, moins contrôlé que les vols réguliers, et d’une compagnie ne possédant que quatre appareils, ainsi qu’un aéroport peu fréquenté n’est probablement pas le fruit du hasard. Seul le pilote aurait pu, en cas de doute, refuser d’acheminer son chargement si particulier. La compagnie roumaine, elle, décline toute responsabilité. Autrement dit, à moins de disposer de renseignements de l’intérieur, comme c’est probablement le cas ici, rien ne permet d’empêcher cet esclavagisme moderne, peut-être beaucoup plus important qu’on ne le croit.