Une ministre modèle

Vous ne connaissiez probablement pas Carole Grandjean, ministre de l’Enseignement et de la Formation professionnelle auprès du ministre du Travail, dont nous avons oublié d’ailleurs, vous comme moi, jusqu’au nom. Elle a été nommée en juillet 2022 en remplacement de Clotilde Valter, alors simple secrétaire d’État, dont l’action n’a pas laissé une grande trace dans l’opinion publique. Carole Grandjean, elle, a droit à son quart d’heure de célébrité, mais elle s’en serait probablement passé, puisqu’elle a fait l’objet d’une enquête de Mediapart au sujet de l’utilisation des chauffeurs attachés à sa fonction, qui a de quoi surprendre.

On constate que la ministre a un sens aigu de la famille puisqu’elle aurait mobilisé les véhicules et les chauffeurs du ministère pour transporter ses parents voulant visiter la capitale et ses musées. Elle aurait également demandé à un chauffeur d’accompagner son fils à une visite chez un ophtalmologue, ou de lui servir son goûter. Un autre chauffeur aurait également été amené à aller chercher la fille de la ministre à la sortie de son cours de théâtre, le tout en utilisant sans motif valable le gyrophare officiel. Par ailleurs, le syndicat SGT police de Nancy, la ville d’où provient Carole Grandjean et où elle a gardé des attaches, trouve que la ministre use et abuse de voyages officiels qui occasionnent un surcroît de travail, jusqu’à épuisement des fonctionnaires qui ont bien d’autres tâches à gérer. Naturellement, Carole Grandjean se défend, mais bien maladroitement à mon avis. Selon la ministre, elle n’a rien demandé. Ce sont les chauffeurs eux-mêmes qui ont parfois proposé de rendre de menus services, ce qui revient au même, sinon pire. Sa formation en ressources humaines aurait dû l’empêcher de commettre de telles erreurs. Autre ligne de défense, particulièrement sournoise, c’est de faire état de contentieux avec certains chauffeurs, dont deux ont été licenciés après des « incidents graves ».

Évidemment, ces comportements ne sont pas d’une telle gravité qu’ils devraient entraîner automatiquement une démission de la ministre, du moins dans notre pays. On se souvient d’une ministre suédoise poussée vers la sortie pour avoir utilisé la carte de paiement de l’état pour payer des dépenses personnelles dans les années 90. Cette confusion des genres est très mal perçue par l’opinion publique dans les pays nordiques, alors qu’elle est minimisée dans les pays latins. Il me semble que la nomination à un poste à hautes responsabilités, tel qu’un ministère, crée un devoir d’exemplarité qui ne semble pas s’imposer aux principaux intéressés. Et là, nous pouvons reprendre la citation de l’ancien Premier ministre, alors candidat à l’élection présidentielle, François Fillon, qui avait déclaré de façon prémonitoire : « imagine-t-on le Général de Gaulle mis en examen ? » avant d’être lui-même rattrapé par le « Pénélope gate ».