L’union sacrée

Ce serait le but de l’actuel président de la République française, qui a bâti son espace politique sur le refus des clivages traditionnels de la droite et de la gauche, en cultivant une notion ambigüe et floue, résumée par une formule fourre-tout, celle du « en même temps ». Au fur et à mesure de l’exercice du pouvoir, cela s’est traduit par la disparition progressive des personnalités politiques issues de la gauche et à la dissolution des idées progressistes, au bénéfice d’une droite qui rechigne à dire son nom, tout en appliquant des idées de plus en plus clairement conservatrices.

Conscient de la réduction progressive, mais inéluctable de sa base politique, et ne pouvant espérer pratiquement aucun nouveau débauchage de ses adversaires, l’entourage du président l’a incité à contourner le manque de majorité acquise à ses idées en organisant des rencontres avec les représentants des partis politiques, espérant ainsi court-circuiter les débats parlementaires, déjà très amputés par l’utilisation systématique de l’article 49.3 de la Constitution. Cette pratique très particulière de la démocratie représentative a connu des fortunes diverses et semble avoir peu d’avenir, malgré le manque d’unité et de cohésion des partis d’opposition, qui a pour l’instant empêché le gouvernement de tomber. Mais le terrain est glissant et le pouvoir n’est pas à l’abri d’un faux pas, à force de défendre tout et son contraire. C’est Emmanuel Macron lui-même qui a trébuché sur la délicate question de l’antisémitisme. Après avoir refusé de s’associer physiquement à une marche pourtant organisée conjointement à l’appel des présidents des deux assemblées, au motif qu’il devait observer un devoir de réserve, le voici qui participe activement à une cérémonie religieuse à l’occasion de la commémoration de la fête juive de Hanoucca.

Immédiatement accusé de porter atteinte à la laïcité et de ne pas respecter la neutralité de l’état, Emmanuel Macron s’est défendu maladroitement en prétendant, contre toute évidence, qu’il ne célébrait aucune fête religieuse. Il ajoute alors que « tous les autres cultes y étaient également invités », ce qui illustre parfaitement le contresens de l’interprétation présidentielle de la laïcité, qui se rapproche beaucoup de l’œcuménisme. La loi de 1905 précise bien que l’état doit permettre la liberté de croire, mais aussi, et le président semble le négliger, de ne pas croire. Il doit également permettre de pratiquer les cultes, et n’en privilégier aucun. Une position de séparation des églises et de l’état qui vaut aussi bien pour le président que tous les représentants de l’état comme les maires dont le rôle ne peut pas être d’organiser des crèches dans les bâtiments publics. Trop, c’est trop, et même le président du Conseil représentatif des institutions juives de France, alors qu’habituellement tous les représentants des cultes se soutiennent mutuellement, a fait part de sa gêne en qualifiant ce geste de « faute politique ». Amen !