Gens de Dublin
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le samedi 25 novembre 2023 10:58
- Écrit par Claude Séné
Voilà une publicité dont se serait bien passée la capitale irlandaise. La ville de Dublin a été le théâtre d’affrontements à caractère raciste, qui ont tourné à l’émeute dans la nuit de jeudi à vendredi dernier. À l’origine des évènements, une agression au couteau visant des adultes et des enfants devant une école, et soulevant une vive émotion dans la population. Jusque-là, rien que de très naturel, mais la situation va dégénérer lorsque des rumeurs vont commencer à circuler sur les réseaux sociaux selon lesquelles l’agresseur serait d’origine étrangère, ce serait « un migrant », « un musulman ». On attribue à ce geste un caractère terroriste qui est loin d’être établi, à ce stade.
En moins d’une demi-heure, la toile s’enflamme, sous l’impulsion de l’extrême droite qui se mobilise très rapidement et annonce des représailles. Deux heures plus tard, les émeutes éclatent, des voitures brûlent, des commerces sont pillés et saccagés, les émeutiers affrontent les forces de police appelées en urgence. On observe aussi des attaques de voitures de police, de bus, et même un tramway, par une petite foule chauffée à blanc par des militants d’extrême droite qui semblaient n’attendre qu’un prétexte pour agir, les pancartes « Irish lives matter », les vies irlandaises comptent, paraissant déjà prêtes à tout hasard. Bien que prises au dépourvu, les autorités irlandaises ont réagi et l’opinion publique condamne évidemment à la fois l’agression visant des enfants et l’exploitation qui en a été faite. « Ils (les émeutiers) ne nous représentent pas », dit un habitant.
Paradoxalement, ce sont deux étrangers qui vont être les héros de cet épisode. Un livreur brésilien et un lycéen français, qui ont, avec d’autres, contribué à désarmer l’agresseur et permis que le bilan de 5 blessés ne soit pas plus lourd. Bien que l’on ne puisse pas imputer à la ville de Dublin d’avoir donné son nom à des accords européens sur le traitement de l’immigration dans l’Union européenne, pas plus que Maastricht sur les critères économiques et le projet de constitution rejeté en 2005, il faut bien évoquer la récupération politique de cette réglementation par les populistes de tout poil, qui font feu de tout bois et poussent à la xénophobie pour propager leur idéologie. Il faut reconnaître la poussée droitière qui a l’air de se propager dans la plupart des grandes démocraties et notamment en Europe, où les nationalismes gagnent sans cesse du terrain, et s’en inquiéter. On préfère, et de loin, la vision qu’en avait James Joyce, qui fit référence toute sa vie à sa ville de cœur, et dont la nouvelle, « the dead », tirée du recueil « gens de Dublin », a été adaptée au cinéma par un autre célèbre Irlandais d’adoption, John Houston.