Macron, nouveau Dunant ?
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le jeudi 9 novembre 2023 11:02
- Écrit par Claude Séné
Henry Dunant, que l’on a un peu oublié, c’est cet homme d’affaires d’origine suisse, naturalisé français, qui, horrifié par les victimes de la bataille de Solferino entre l’armée de Napoléon III et l’armée autrichienne en 1859, a fondé le comité international de la croix rouge, ce qui lui vaudra en 1901 de recevoir le premier prix Nobel de la Paix. Un destin que ne dédaignerait probablement pas Emmanuel Macron, s’il lui était donné l’occasion de l’accomplir. Faute de pouvoir obtenir la cessation des hostilités entre Israël et le Hamas, le président français a pris l’initiative d’organiser aujourd’hui à Paris une conférence « humanitaire » réunissant 80 pays ou organisations non gouvernementales.
Une intention louable, qui se heurte toutefois à de nombreux obstacles, notamment l’absence des principaux intéressés, en particulier la chaise vide qui aurait pu accueillir un représentant de l’état d’Israël. Le président français est conscient de cette lacune, qu’il minimise en indiquant qu’il s’est entretenu avec le Premier ministre israélien à ce sujet et qu’il le reverra après la conférence. Soit. Mais Benyamin Netanyahou fait de la libération des otages le préalable à toute discussion sur une trêve humanitaire, et l’on sait que le Hamas met un prix élevé en concessions d’Israël pour procéder à des échanges éventuels. La logique de chaque camp s’exerce en symétrique pour que les otages ne puissent pas être libérés globalement. Il y aurait en ce moment même des tractations portant sur une douzaine de personnes sur les 240 environ encore détenus à Gaza, sous l’égide du Qatar, souvent intermédiaire actif. On est encore loin du compte.
D’autant que nombre de pays arabes, qui avaient pourtant amorcé un mouvement vers le rétablissement de relations diplomatiques avec Israël, ont été mis en porte-à-faux par la position de la France, et son soutien au droit qu’aurait l’état hébreu de se défendre, « par tous les moyens ». C’est précisément là où le bât blesse : c’est dans la proportionnalité de la riposte israélienne, qui touche massivement les populations civiles, y compris les femmes et les enfants, qui ne sont strictement pour rien dans ce conflit. Les bombardements aveugles, les pénuries de vivres, d’eau, d’électricité, de médicaments, les déportations de population pour fuir les zones de guerre, font beaucoup plus de victimes que les assassinats perpétrés le 7 octobre par les forces du Hamas, ce qui ne les excuse en rien, mais ne justifie en aucune façon non plus de ne pas respecter les règles de la guerre, aussi paradoxale que semble une telle expression. Par un refus de décrire toute la réalité, au nom d’un principe de « en même temps » qui n’a pas sa place ici, Emmanuel Macron ne peut pas tenir le rôle qu’il espère, probablement sincèrement, de sauveur de la paix.