Un soutien encombrant

Le président du Sénat, Gérard Larcher, et la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, sont tombés d’accord pour appeler à une marche contre l’antisémitisme à Paris dimanche prochain. A priori, c’est une démarche consensuelle puisque, officiellement, aucun parti représenté dans les deux chambres ne se revendique de cette idéologie, qui n’est pas, rappelons-le, une opinion, mais un délit. Cependant, la présence du Rassemblement national à cette manifestation fait grincer quelques dents, en raison notamment des positions passées du fondateur du Front national, précurseur du parti actuel, Jean-Marie Le Pen. Selon Jordan Bardella, qui préside le RN, l’ancien dirigeant n’est pas antisémite. Une position démentie par les faits et les déclarations publiques qui lui ont valu maintes condamnations.

Jordan Bardella, à seulement 28 ans, est bien sûr trop jeune pour avoir connu personnellement la période la plus noire et la plus provocatrice de Jean-Marie Le Pen, quand celui-ci considérait que les chambres à gaz n’avaient été « qu’un détail de l’histoire ». Un dérapage parfaitement contrôlé, contrairement à ce qu’il voulait faire croire à l’époque. Et que dire de son jeu de mots abject sur le ministre de la Fonction publique, Michel Durafour, affublé de l’étiquette « crématoire » ? En compagnie de son acolyte, Robert Faurisson, négationniste notoire, il ne rate aucune occasion de faire l’apologie du nazisme et de la collaboration, souvent à la limite de la légalité. Il sera condamné à 6 reprises pour ses propos publics. Il se défendait de toute forme de racisme en prenant argument du fait qu’il employait du personnel de maison noir, sans se rendre compte du caractère insultant de son allégation, et ne manquait jamais une occasion de faire l’éloge des qualités physiques des « personnes de couleur » sous-entendant une infériorité sur le plan intellectuel.

Pour beaucoup de responsables politiques, si Marine Le Pen a pris ses distances avec son père dans le but de rendre son parti plus présentable, il n’en reste pas moins assimilé à une image le plaçant hors du champ républicain, ce qui le rend totalement infréquentable. Les alliances électorales lui sont également fermées pour le moment, et cette sortie maladroite de Jordan Bardella va sans doute être contreproductive dans l’opinion publique. Reste que l’organisation de la marche nationale va être compliquée, personne n’ayant envie de s’afficher aux côtés des représentants d’un parti qui continue à être étiqueté à l’extrême-droite malgré ses efforts désespérés pour se normaliser. Monsieur Bardella a concentré ses attaques sur la France insoumise en espérant lui repasser le mistigri de l’antisémitisme attribué cette fois à Jean-Luc Mélenchon. Il sera difficile cependant de faire croire que le leader de LFI est l’héritier spirituel de Jean-Marie Le Pen, qu’il a combattu sans relâche pendant toute sa carrière politique.