Les « celzéceux »
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le mardi 31 octobre 2023 10:36
- Écrit par Claude Séné
Si, comme moi, vous étiez tranquillement chez vous hier vers 13 heures, et que vous vous apprêtiez à vous informer sur les évènements en cours au moyen de la consultation d’un journal télévisé, vous avez peut-être éprouvé le sentiment désagréable d’être assigné à résidence et plus ou moins forcé de subir un discours filandreux, dont la forme contredisait le fond, puisqu’il s’agissait de célébrer la langue française au moyen de phrases ampoulées, qui ne semblaient réjouir que celui qui les prononçait avec une évidente autosatisfaction. Le président de la République avait décidé, toutes affaires cessantes, de s’inviter chez moi pour me faire profiter de l’inauguration de la Cité internationale de la langue française au château de Villers-Cotterêts.
Que le Président de la République, quel qu’il soit, s’adresse parfois solennellement à la nation pour des communications importantes, je n’ai rien contre. Mais les occasions de le faire ne sont pas légion. De plus Emmanuel Macron, qui n’aime rien tant que de se trouver là où l’on ne l’attend pas, n’a même pas toujours perpétué la tradition du 14 juillet, alors qu’il avait l’occasion de célébrer la fête nationale avec les Français. Donc, je n’ai pas perçu l’urgence de la retransmission du discours présidentiel, diffusé en direct et in extenso pendant de longues minutes, au détriment de sujets d’actualités comme la guerre que mène actuellement l’armée israélienne contre la population de la bande de Gaza, par exemple. Je me serais largement contenté d’un court reportage sur cette cérémonie, illustré de quelques extraits, et d’un plan de coupe sur les invités tels que l’inusable Jack Lang. Quant à la défense et l’illustration de la langue française, elle mérite mieux que le débat concernant l’écriture inclusive.
Le président a cru bon de donner une caisse de résonnance aux sénateurs qui présentent cette semaine une proposition de loi visant à interdire cette forme de graphie dans les textes officiels. Au passage, Emmanuel Macron profère ce qui me semble une absurdité, selon laquelle le « masculin fait le neutre ». Je laisse ce débat aux spécialistes, car la langue française, comme toute langue vivante, est en permanente évolution, et seul l’usage, comme le rappelait régulièrement Alain Rey, peut trancher et arbitrer les conflits liés à ses interprétations. En tant que locuteur, le président ne peut guère critiquer les tenants d’une propension au politiquement correct, qui tentent de mettre un peu de féminisme dans un océan de machisme, parfois, je vous l’accorde, d’une façon un peu trop alambiquée, que pour ma part, je n’utiliserais pas. C’est bien lui qui parsème systématiquement ses discours de la formule rituelle de « celzéceux » pour bien démontrer qu’il n’omet pas la moitié de l’humanité quand il prend la parole. Le malheur veut que l’on oublie rapidement le contenu de l’expression pour n’en retenir que la coquille, souvent bien vide.