Un grand n’importe quoi

C’est ce qui ressort le plus clairement du discours tenu hier par la Première ministre à la Sorbonne devant un parterre de maires, et qui s’intitulait pompeusement : « violences urbaines : présentation des mesures du gouvernement. » Pour frapper un peu plus les imaginations, la presse le rebaptisait aussitôt en « plan anti-émeutes ». Un objectif ambitieux, destiné à montrer la fermeté du gouvernement et faire croire à une opinion sceptique qu’il a la situation bien en main. La mesure phare du dispositif consiste à « responsabiliser les parents », et comment ? En tapant au porte-monnaie, bien sûr.

D’abord, l’amende en cas de non-respect du couvre-feu quand il est décrété, passera à 750 euros. Une coquette somme pour des parents qui seraient par malchance dans une situation de précarité, avec peu ou pas de ressources, auxquels on maintiendrait ainsi la tête sous l’eau pour les punir encore une fois d’être pauvres. Ensuite, pour faire bon poids, les parents devront payer pour les dégradations éventuelles qu’auraient commises leurs enfants, sans limites de budget, ce qui est une absurdité complète quand on compare le montant des dégâts constatés et les ressources des « responsables » légaux, qui, pour la plupart, tirent déjà le diable par la queue et n’arrivent pas à boucler leurs fins de mois, surtout les 30 derniers jours. Même si les parents arrivaient à payer une infime partie des sommes engagées, arriveraient-ils pour autant à dissuader leurs enfants de se livrer à des dégradations ? Ce serait supposer une autorité parentale intacte dont ils n’useraient pas par manque de volonté et de sens civique, et qu’il suffirait de réactiver. Le manque d’argent est de toute évidence une partie du problème et en aucun cas la solution miracle pour le régler.

Mais le meilleur est à venir. Cette mesure, présentée comme une nouveauté, fait déjà partie de l’arsenal juridique dont disposent les autorités sans qu’il soit besoin d’encombrer le calendrier législatif en examinant et en faisant voter une nouvelle loi tout aussi inefficace que les anciennes. « Quand un mineur commet un dégât, quel qu’il soit, les parents sont civilement responsables », déclarait hier un célèbre avocat pénaliste. Autrement dit, Élisabeth Borne semble avoir déployé une force importante pour enfoncer une porte déjà largement ouverte. Ce qui conduit à s’interroger sur la compétence des conseillers qui l’ont poussée à la faute. Je ne serais pas surpris qu’il s’agisse du même brillant esprit qui a incité Emmanuel Macron à déterrer la coalition des alliés contre Daech, qui a eu son utilité dans un contexte différent, pour la transposer contre le Hamas. Une proposition mort-née que les interlocuteurs de la France se sont empressés d’oublier, par charité chrétienne. Si les parents sont supposés être responsables de leurs enfants, les politiques devraient pouvoir « tenir » leurs conseillers, quand ils leur font des propositions délirantes.