La queue du Mickey
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le lundi 16 octobre 2023 11:09
- Écrit par Claude Séné
Vous savez, c’est cette fameuse queue dans les manèges de fête foraine qui donne droit à faire un tour supplémentaire gratuitement si l’enfant est assez futé et rapide pour l’attraper au passage. C’est son équivalent symbolique que la plupart des politiques essayent de décrocher aujourd’hui en rivalisant dans la fermeté après l’assassinat d’un professeur à Arras. Le Rassemblement national a dégainé parmi les premiers, en demandant la tête du ministre de l’Intérieur, qui réplique évidemment en niant tout laxisme et toute erreur de sa part ou de celle du gouvernement. Puis son collègue, ministre de l’Éducation, en a rajouté une couche, en montrant les muscles et en bombant le torse.
Gabriel Attal a tenu un discours qui prétend empêcher toute manifestation dissonante dans le cadre des hommages rendus au professeur assassiné, comme s’il rentrait dans ses attributions de museler toute contestation supposée, et qu’il en possédait les moyens. De son côté, la présidente de l’Assemblée nationale, sortant de son rôle d’harmonisation des groupes parlementaires du haut de son perchoir, s’est prononcée en faveur d’un futur texte de loi sur l’immigration qui sera présenté prochainement par le parti présidentiel, dans le but évident de couper l’herbe sous le pied des Républicains, qui courent eux-mêmes derrière les électeurs du Rassemblement national. Jusqu’au président de la République, qui tente de s’extraire de la mêlée en se posant en surplomb des partis politiques et en demandant aux préfets de vérifier « au peigne fin » le statut des personnes fichées pour éventuellement pouvoir les expulser. Dans le cas de l’agresseur du professeur d’Arras, la vérification est vite faite : il est inexpulsable, car entré en France avant 13 ans. Qu’à cela ne tienne. La nouvelle loi y pourvoira.
Car dans ce manège qui s’est brusquement emballé et qui tourne follement sur lui-même comme un chien après sa queue, tout le monde finit par courir après tout le monde, tout en faisant du sur-place. Quelle amélioration depuis l’assassinat de Samuel Paty il y a trois ans ? Emmanuel Macron promet un « état impitoyable » envers ceux qui portent la haine et des idéologies terroristes. Si la dissuasion avait quelque chance de succès auprès d’esprits fanatisés par une propagande mortifère, cela se saurait. On est bien obligé d’y voir surtout une gesticulation masquant mal une forme d’impuissance. Les professeurs et les membres de la communauté éducative n’auront que quelques heures pour se soutenir mutuellement, et encore les enseignants du premier degré n’auront droit qu’à quelques minutes entre deux portes. Les élèves, et notamment ceux qui ont été témoins directs de l’agression, devront subir la réactivation du traumatisme, comme si les adultes, du moins ceux qui sont les décideurs, considéraient qu’il fallait sans attendre remonter sur le cheval, fut-il de bois. Une minute de silence, et l’on repart, jusqu’à la prochaine fois.