Victimes collatérales

Cette expression remonte, si ma mémoire est bonne, à la première guerre du Golfe, en 1990 et 1991. À la suite de l’invasion du Koweït par l’Irak de Saddam Hussein, une coalition de 35 pays, dirigée par les États-Unis de Georges Bush père, sera engagée militairement pour s’opposer à l’annexion du pays, sur un mandat délivré par les Nations unies. À la télévision, les images fournies par les alliés montrent une guerre aseptisée qui se déroule essentiellement dans les airs. On ne perçoit pas véritablement les combats, pas plus qu’on ne voit les soldats des différentes armées se faire tuer ou blesser. Et donc, de façon désincarnée, on évoque le sort des civils, pris malgré eux dans un engrenage de danger extrême, ceux que l’on appellera des « victimes collatérales ».

Dans le cas de l’attaque massive d’Israël par le Hamas, les populations civiles ont été visées expressément dans le but de terroriser les ennemis sans distinction, du seul fait qu’ils sont israéliens. C’est évidemment atroce. En leur répondant par des bombardements massifs sur un territoire exigu, les dirigeants israéliens savent pertinemment qu’ils vont eux aussi frapper indifféremment les civils comme les militaires ou les dirigeants qui ont voulu cette escalade de la violence. On a vu dans le passé les conséquences des intifadas, avec leurs images dévastatrices d’enfants lançant des pierres contre les soldats lourdement armés. Tout le monde sait que ces guerres asymétriques sont des fabriques de martyrs qui repoussent indéfiniment les faibles chances de parvenir à un hypothétique processus de pacification.

Les dirigeants israéliens, à commencer par le principal responsable, Benyamin Netanyahou, déclarent ouvertement vouloir « éradiquer » le Hamas, ce qui ne peut se comprendre que comme une extermination totale de ses membres, qui est à peu près impossible sans faire subir le même sort à l’ensemble de la population de la bande de Gaza. Une population qui sera soumise à un blocus total de tout ce qui est nécessaire à sa subsistance, eau, vivres, médicaments, électricité, etc. la phase suivante pouvant être une occupation totale du territoire, avec tous les risques que cela comporte. Israël a déjà occupé la bande de Gaza et a préféré se sortir de ce véritable guêpier en 2005, en retirant unilatéralement ses troupes, trop exposées. On sait que cette réoccupation probable va entraîner des victimes à la fois chez les combattants et les populations civiles, en nombre élevé de part et d’autre. Beaucoup de personnes totalement innocentes vont y perdre la vie. Sans compter une épineuse question, celle des otages enlevés et détenus par le Hamas, qui compte bien s’en servir comme monnaie d’échange pour faire pression sur les Israéliens. Ils seraient environ 150, cachés dans les innombrables souterrains qui permettaient de franchir clandestinement la frontière. Israël fera tout pour tenter de les récupérer.