Wauquiez l’équilibriste

Laurent Wauquiez vise toujours l’Élysée en 2027, bien qu’il porte souvent une barbe mal taillée qui pourrait faire croire qu’il n’y pense pas toujours, et qu’il évite donc parfois de se raser. Depuis quelques années, le président de la région Auvergne–Rhône-Alpes a cherché à se faire oublier après des propos polémiques destinés à rester secrets en 2018 tenus devant les étudiants d’une école de commerce, l’EM de Lyon, selon lesquels les politiques, lui compris, pratiquaient le « bullshit », le mensonge généralisé, s’il pouvait rester impuni. Malheureusement pour lui, un enregistrement accablant a circulé publiquement, rendant impossible toute contestation ultérieure.

J’imagine que les spécialistes de la communication ont dû conseiller à l’ancien président des Républicains de faire profil bas pour laisser le temps à l’opinion publique d’oublier cette sortie désastreuse, et d’éviter toute prise de position pendant un certain temps. Il semble que le résultat ait dépassé les espérances du candidat putatif, et que l’opinion ne se souvient plus guère de lui, ni en bien ni en mal, d’ailleurs. D’autant plus que la liste des candidats potentiels à la succession d’Emmanuel Macron n’a cessé de s’allonger entre temps, à l’intérieur comme à l’extérieur de la droite traditionnelle, son territoire naturel. C’est peut-être par stratégie délibérée, ou parce que l’abstinence politique devenait insupportable que Laurent Wauquiez a donc décidé de faire sa rentrée et de sortir à la fois du bois et du silence. Il est allé sur le seul terrain où il conserve une certaine légitimité : la région dont il reste le président, et dont il semble penser qu’elle doit être au service de ses ambitions. Sans consulter personne à ma connaissance, il a donc décidé que la région Auvergne–Rhône-Alpes sortirait unilatéralement du dispositif dit « zéro artificialisation nette », ZAN pour les intimes, institué par une loi votée en juillet dernier, visant à limiter la bétonisation en milieu rural.

Il met ainsi dans l’embarras ses collègues Républicains, dont l’actuel président de groupe au Sénat, Bruno Retailleau, qui ne peut pas éviter de défendre l’application des lois en vigueur, quoi qu’il pense de leurs objectifs. La loi ZAN impose aux régions la mise en œuvre progressive des mesures nécessaires pour atteindre le but en 2050. La seule marge de manœuvre des régions concerne le calendrier et le rythme des étapes nécessaires au processus. La démarche de Laurent Wauquiez, qui semble vouloir entrer en sécession démocratique en n’appliquant pas les lois de la République, semble vouée à l’échec, et il n’est pas certain qu’il y croie lui-même. Je pense qu’il faut y voir une tentative désespérée de reprendre la main, ou au moins d’exister, dans un espace politique qui ne cesse de rétrécir. Malheureusement pour lui son passé lui colle aux basques : ses mensonges et son cynisme assumé dans un passé pas si lointain sont autant de casseroles dont il n’est pas près de se défaire.