Les tortues et les lions
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le vendredi 6 octobre 2023 10:30
- Écrit par Claude Séné
Comme tout nouveau ministre de l’éducation qui se respecte, Gabriel Attal rêve de laisser une trace dans l’histoire en associant son nom à une grande réforme. Traditionnellement, c’est la formule du baccalauréat qui est le plus souvent le terrain de jeu des apprentis pédagos. Les errements successifs sur le calendrier scolaire des dernières années ont semble-t-il convaincu le ministre de revenir au statu quo précédent en essayant de sauver le dernier trimestre des autres lycéens et collégiens, avec un mois de juin rendu aux élèves pour une année scolaire à peu près opérationnelle. Il fallait donc trouver autre chose, et rapidement.
D’autant plus que l’école fait partie des domaines réservés dans lesquels l’hyper président s’arroge la compétence de tout régenter au motif qu’il a épousé une ancienne prof. Le ministre a donc sorti de son chapeau un sujet de réforme éventuelle de l’enseignement à examiner en 4e vitesse pour une mise en œuvre dès la rentrée 2024, qui, entre nous soit dit, est sans doute déjà dans les cartons des inspecteurs généraux. Parmi les mesures phares du nouveau ministre, figurerait en bonne place l’instauration de classes de niveau en Français et en Maths, supposés permettre à tous les élèves de progresser, individuellement, et surtout collectivement. Car l’objectif semble bel et bien de sortir des profondeurs statistiques humiliantes des classements internationaux. Sur ce point, nous risquons d’être tous d’accord. Mais les voies et moyens d’y parvenir sont plus délicats à définir. Chaque nouveau ministre promet « de revenir aux fondamentaux », que son prédécesseur avait cependant déjà mis sur un piédestal. Cette formalité accomplie, on peut tranquillement continuer comme avant.
Ces fameux groupes de niveau sont en réalité une vieille lune, qui n’est pas sans dommage pour le parcours des enfants et des adolescents, enfermés dès le début dans des cases. Je me souviens d’une institutrice de maternelle, qui avait divisé sa classe en groupes pour se simplifier la vie. Certains enfants faisaient donc partie des « lions », tandis que d’autres appartenaient au groupe des « tortues ». C’est mignon, une tortue. Il n’y a pas lieu de s’en offusquer. Pas plus qu’il n’est nécessaire de s’informer sur les travaux bien connus qui démontrent qu’un enfant présenté comme brillant réussira mieux qu’un élève réputé moins performant, en dehors de son niveau réel, qui peut être fluctuant. Pour mettre en place une telle pédagogie, le ministre a l’intention de réinventer les écoles normales. Comme au « bon vieux temps », dont je peux témoigner que s’il était à coup sûr vieux, il n’était pas aussi bon que cela. Mais grâce aux « écoles normales du XXIe siècle » où l’on recrutera les futurs professeurs juste au niveau du bac, tout ira pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles au rabais. Elle n’est pas belle, la vie ?
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