Bon anniversaire la Constitution !

Cela fait 65 ans depuis le 4 octobre 1958 que le texte fondateur de la 5e République française a été promulgué, après avoir été approuvé par référendum par une large majorité de Français, et il a survécu jusqu’à nos jours, moyennant une série de révisions qui l’ont profondément modifié. L’objectif principal de la Constitution rédigée notamment par Michel Debré était de mettre fin à l’instabilité chronique du régime parlementaire. 24 gouvernements différends en 2 ans s’étaient succédé sous la 4e, qualifiée de république des partis par le général de Gaulle, qui revenait au pouvoir après sa « traversée du désert ».

C’est la primauté de l’exécutif qui est recherchée par la nouvelle constitution. Grâce à un scrutin majoritaire à deux tours, le gouvernement pourra s’appuyer sur un groupe parlementaire tout dévoué à sa cause, évitant ainsi le risque d’être désavoué et renversé. À cette époque, le gouvernement gouverne et le président préside. S’il juge qu’une question risque de diviser les Français, il peut faire trancher le peuple au moyen d’un référendum, ce dont il ne se prive pas, renforçant ainsi son prestige et asseyant son pouvoir. Tout va changer lorsque le général de Gaulle fera adopter en 1962, par référendum, l’élection du président de la République au suffrage universel direct. Le régime bascule alors dans le présidentialisme, le chef de l’état tirant sa légitimité du peuple, tout comme les députés. Il se réserve d’ailleurs le droit de dissoudre l’Assemblée nationale en cas de conflit de légitimité, et conserve certaines de ses attributions, le « domaine réservé », s’il n’obtient pas le soutien d’une majorité de députés pour mener sa politique. C’est ce qui a permis les cohabitations pendant lesquelles le président et la majorité ne sont pas du même bord politique. En cas de besoin, le Président peut également demander « les pleins pouvoirs » pour gouverner selon ses principes sans l’aval des assemblées, texte par texte.

Malgré sa grande souplesse, la Constitution de 1958 est loin d’avoir tout prévu, et notamment la situation actuelle, où le président ne possède qu’une majorité relative, l’amenant à un usage abusif de l’article 49.3 pour faire passer ses désirs sans consulter quiconque. Il aura beau faire miroiter un contrepouvoir incarné par le référendum, qui reflèterait peu ou prou le respect des aspirations du peuple, chacun observe que cette disposition reste purement théorique, et risque fort de le rester. La Constitution, après 65 ans de bons et loyaux services, a peut-être droit elle aussi à une retraite méritée. À force de retoucher le texte d’origine, et la liste des sujets de révisions possibles ne cessant de s’allonger, il serait plus raisonnable de tout reprendre en s’appuyant sur des équilibres entre les différents pouvoirs qui rendraient plus et mieux la parole aux citoyens, qui pourraient alors se réconcilier avec la politique.