La ministre et le zeugme
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le mardi 18 juillet 2023 10:36
- Écrit par Claude Séné
Ce qui me plait dans cet exercice quotidien de rédaction d’une chronique liée à l’actualité, c’est qu’il m’amène à des réflexions et des découvertes que je n’aurai sans doute pas faites sans cela. C’est ainsi que l’interview de Marlène Schiappa à Corse matin, parue dimanche, dans laquelle elle affirme haut et fort que sa probité est intacte, alors qu’elle fait l’objet des plus vives critiques pour son rôle dans l’attribution des subventions du Fonds Marianne, m’a rappelé l’expression célèbre de Victor Hugo : « vêtue de probité candide et de lin blanc ».
Vérification faite, car je contrôle toujours mes sources, il s’avère que cette citation est le parangon (encore un gros mot) de la figure de style connue sous le nom de zeugma ou zeugme, qui consiste à combiner deux mots, normalement d’un emploi différent autour d’un verbe possédant plusieurs usages. Dans un registre plus contemporain, Pierre Desproges a usé et abusé de ce procédé, par exemple : « il sauta un repas et sa belle-sœur, reprit son souffle et une banane ». La grande force de Marlène Schiappa, et sans doute la seule, est sa capacité à nier la réalité, comme si son opinion était plus forte que la vérité. Si on l’écoute, le rapport sénatorial, pourtant accablant, lui serait globalement favorable, et ne contiendrait que des remarques de pure forme pour l’avenir. Elle considère qu’elle n’aurait rien fait de condamnable et s’estime donc blanchie, comme le lin de Victor Hugo. Elle est bien la seule et fait preuve au minimum d’un optimisme que rien ne justifie, à moins que ce ne soit purement et simplement de l’inconscience, voire un culot monstre qui lui a permis jusqu’ici de rester au gouvernement.
Un statut privilégié dont elle ne devrait plus bénéficier très longtemps lorsque la Première ministre aura procédé aux « ajustements » qu’elle estime nécessaires en écoutant la voix de son maître. En effet, selon un sondage récent, la secrétaire d’État chargée de l’économie sociale et solidaire est celle dont le départ est le plus souhaité des Français, juste devant le ministre de l’Éducation nationale, Pap Ndiaye. Elle devrait donc, si ce n’est déjà fait, commencer à préparer ses cartons pour un départ imminent. Par une coïncidence amusante, la future ancienne ministre restera aussi dans les annales pour avoir posé dans un magazine « de charme », Playboy, qui a bâti sa réputation en publiant des photos où le lin blanc était réduit à sa plus simple expression, au profit d’une probité ne recouvrant guère de peau et ne laissant que peu de place à l’imagination. Par chance, la ministre a conservé quelque sens des convenances et une pudeur physique, à défaut d’une pudeur morale dans ses déclarations.