Liberté de manifester

Si vous posez la question dans une rue de notre beau pays de France, il y a fort à parier qu’une majorité écrasante de passants vous répondra que, naturellement, la liberté de manifester existe, et qu’elle est garantie par la constitution au même titre que la liberté de penser ou celle d’aller et venir, ou encore d’exprimer son opinion. La réalité est beaucoup moins simple. Pour obtenir le droit de manifester, il faut, non seulement demander poliment l’autorisation des autorités en déclarant préalablement le lieu du rassemblement s’il s’agit d’une manifestation statique, ou le parcours prévu en cas de défilé, mais encore l’obtenir.

L’administration préfectorale se réserve le droit de décider d’autoriser ou non la manifestation, et en cas de refus généralement motivé par un risque quelconque de trouble à l’ordre public, qui peut être invoqué dans 99,99 % des cas, l’autorité justifie son nom en interdisant la manif. Y participer devient alors un délit et la force publique, légitimée par une décision arbitraire s’exerce de plein droit. C’est un peu le scénario qui s’est déroulé en région parisienne ce week-end à l’occasion de la marche pour Adama Traoré, mort sous les coups de la police il y a 7 ans dans des circonstances toujours pas élucidées. De tels rassemblements ont eu lieu tous les ans depuis lors, réclamant justice pour Adama, et se sont déroulés dans le calme. Cette année, le climat était tendu du fait de la nouvelle bavure qui a mis le feu aux banlieues avec l’homicide commis sur Nahel. Le pouvoir a eu peur de nouveaux incidents, et les a finalement provoqués. Interdite à Persan-Beaumont, lieu du drame originel, elle a eu lieu finalement à Paris, malgré le veto de la préfecture.

Comme il fallait s’y attendre, la police, et notamment les fameux Brav-M, a cherché l’affrontement, et elle a procédé à l’arrestation de deux manifestants, parmi lesquels le propre frère d’Adama Traoré, frappé, mis au sol et immobilisé selon la même technique qui a abouti au décès d’Adama en 2016. Au passage, des journalistes ont également fait les frais de l’intervention parce qu’ils filmaient les évènements. Youssouf Traoré a dû être hospitalisé suite aux blessures qu’il a reçues au visage et au thorax et sa garde à vue a été annulée. Son avocat portera plainte pour ces faits de violence. Voilà donc comment peut se terminer une manifestation pacifique qui aurait dû se dérouler sans incident majeur sans une législation liberticide, tatillonne et arbitraire. Sans oublier que les ordres viennent du haut, avec un préfet de police, un ministre de l’Intérieur et un président de la République qui attisent les antagonismes, pour mieux s’offusquer ensuite de la participation de quelques députés insoumis qui ne dénonceraient pas avec suffisamment de force des slogans parfois excessifs. Une hypocrisie qui ne trompera pas grand monde.