Où est l’ambulance ?
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le vendredi 7 juillet 2023 11:04
- Écrit par Claude Séné
« On ne tire pas sur une ambulance ». L’expression est de Françoise Giroud, et à l’époque (1974) elle visait la candidature pathétique de Jacques Chaban-Delmas à la présidence de la république. Celui qui avait incarné la jeunesse et la résistance au sortir de la 2e guerre mondiale en devenant le Premier ministre sportif et dynamique de Georges Pompidou, qui montait quatre à quatre les marches de l’Élysée ou du Palais Bourbon, était devenu un mauvais élève des moyens de communication modernes, ânonnant péniblement des éléments de langage à la télévision, avec un slogan pitoyable : « je le ferai ».
La formule pourrait s’appliquer à Marlène Schiappa, lâchée par son propre camp dans un silence assourdissant à la suite des derniers rebondissements dans l’affaire du fonds Marianne, créé par la ministre après l’assassinat de Samuel Paty. Elle a été auditionnée par une commission d’enquête sénatoriale, dont les conclusions sont très sévères. On parle de fiasco, de coup médiatique, de manque de rigueur, d’opacité et de désinvolture, autant d’indices qui prouvent que Marlène Schiappa a bien retenu les leçons de son maître à penser de président et qu’elle s’est crue, elle aussi, au-dessus des lois. Contrairement à ses déclarations devant le Sénat, elle a clairement fait preuve de favoritisme en imposant un bénéficiaire au détriment de SOS racisme, qui a eu le mauvais goût de lui déplaire. Si l’on pouvait soupçonner que le Sénat, dominé par la droite, faisait preuve de partialité, ses conclusions sont confirmées par un rapport administratif de l’Inspection générale, qui juge son action ni transparente ni équitable, et qui épingle à la fois le processus et certains bénéficiaires. On peut également s’étonner que le dossier n’ait même pas été transmis officiellement à son successeur au moment du départ de la ministre.
Un député de la majorité s’est étonné de ce que Marlène Schiappa ne se soit pas démissionnée d’elle-même après un tel ratage. Ce serait pourtant logique. Ou bien le président aurait pu le lui demander, comme c’est d’usage en pareil cas. S’il ne l’a pas fait, c’est peut-être parce qu’il prépare un remaniement plus général, dans lequel le désaveu de la future ex-ministre passerait inaperçu. Sans compter que la période estivale est toujours plus propice à faire oublier les erreurs et les errements du pouvoir en place, y compris les coups tordus politiques. J’avoue que j’ai du mal à comprendre le bénéfice politique escompté par le président en continuant à faire confiance à une personne qui ne représente guère qu’elle-même, et ne possède aucune compétence particulière, en dépit d’un orgueil mal dissimulé. Il serait pourtant urgent, à mon avis, de l’exfiltrer du gouvernement en invoquant la convention de Genève : seule une ambulance affrétée par le président peut encore lui épargner de devenir la cible préférée de l’opposition en prêtant le flanc à ses critiques justifiées.