Circulez, il n’y a rien à voir

C’est ce qu’aurait espéré le député modem du Loiret, Richard Ramos, interviewé à propos de la mort de ce conducteur de 17 ans à Nanterre, abattu par un policier à cause d’un « refus d’obtempérer ». Dans un effort désespéré de banalisation, ce député, par ailleurs respectable, souhaitait que l’on observe un temps de silence, et dénonçait une récupération politique de la part de la France insoumise. Une position où il était rejoint par le représentant du Rassemblement national, Sébastien Chenu, qui accusait, quant à lui, Jean-Luc Mélenchon de « jeter de l’huile sur le feu ».

Les habitants des quartiers sensibles de Nanterre n’ont, semble-t-il, eu besoin de personne pour réagir à ce qui leur est apparu comme une violence illégitime et des incidents ont éclaté hier soir entre policiers et habitants en colère. Car une vidéo accablante a circulé sur les réseaux sociaux, montrant que la voiture au volant de laquelle se trouvait le jeune Naël, n’avait en aucun cas pu menacer le motard, auteur du tir fatal. Au point que le ministre de l’Intérieur, contrairement à ses habitudes, n’a pu que la trouver « choquante », et n’a défendu que très mollement la présomption d’innocence du policier. Sous réserve des résultats de l’enquête, non seulement les policiers n’ont pas respecté les règles concernant la technique de contrôle d’un véhicule, mais aussi celles autorisant à se servir de son arme de service. Circonstance aggravante, ils ont sciemment menti dans leur premier rapport pour camoufler leurs erreurs. Il apparait clairement que les hommes et les femmes politiques qui ont réagi en dénonçant ce qui apparait comme un abus ont eu raison de le faire, indépendamment de leurs convictions partisanes. Des personnalités médiatiques, telles qu’Omar Sy ou Kilian M’Bappé se sont également exprimées.

Ce qui ressort de ces réactions, c’est la prise de conscience que tous ces contrôles, l’explosion des « refus d’obtempérer », les tensions croissantes entre police et population, créent un climat délétère, où la situation peut dégénérer à tout moment. Gérald Darmanin ne l’a pas évoqué cette fois-ci, mais il souligne fréquemment le stress et la difficulté du métier de policier, comme une sorte d’excuse aux erreurs et bavures éventuelles. Quand on confie à quelqu’un une arme létale, le minimum est de lui assurer une formation technique et surtout éthique pour qu’il en fasse un usage contrôlé. En pratique, l’utilisation d’une arme à feu en cas de refus de s’arrêter d’un conducteur a été revu en 2017 et aboutit à une confusion, une forme de flou juridique qui ne peut que déboucher sur des drames tels que celui-là. Il est inadmissible que l’on puisse être abattu pour d’aussi mauvaises raisons, et c’est la responsabilité de l’exécutif de modifier les règles et les usages pour que cela ne se reproduise plus.