Mi-temps
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le samedi 18 février 2023 10:48
- Écrit par Claude Séné
Comme l’a voulu le gouvernement, les discussions sur le projet de réforme des retraites qu’il a présenté en dépit d’un rejet massif des principaux intéressés ont été stoppées à minuit hier soir, sans que les députés se soient prononcés sur la mesure essentielle portant sur l’âge de départ à 64 ans. Il a ainsi profité d’une divergence tactique entre les représentants de la France Insoumise et les autres partis de la NUPES. Pour LFI, l’essentiel était d’empêcher le vote, qui risquait de donner une majorité de circonstances au parti présidentiel et d’affaiblir le mouvement social, tandis que PS, PC et écologistes privilégiaient une clarification des positions, que réclamait aussi l’intersyndicale.
Jusqu’à la dernière journée, le combat est resté indécis, chacun s’appliquant à faire porter la responsabilité du blocage au camp adverse. Finalement, l’absence de vote ne change pas grand-chose, puisque le texte va désormais être soumis aux sénateurs, réputés favorables au projet, mais qui pourraient pousser leur avantage pour obtenir des concessions supplémentaires du gouvernement. Aux LR, c’est Aurélien Pradié qui sort vainqueur de la passe d’armes avec sa revendication de plafonnement de la durée de cotisation dans les carrières longues, et l’appropriation de la retraite minimum à 1200 euros, qui est encore très floue. Le paradoxe, c’est que la réforme voulue par le gouvernement pour rétablir les comptes et réduire le déficit public pourrait finir par ne rien rapporter ou pas grand-chose dans les caisses de l’état à force de dérogations au régime commun, tout en pénalisant lourdement une grande partie des futurs retraités, travaillant deux ans de plus pour satisfaire l’idéologie et flatter l’ego du président.
Nous n’en sommes pourtant qu’à la mi-temps de cette épreuve de force entre le pouvoir, exercé toujours plus solitairement, et le peuple français qui prétend faire entendre sa voix. Cette réforme est rejetée par toutes les catégories sociales, à l’exception des Français déjà retraités, et ceux qui ont plus de 65 ans, et encore d’une courte tête. On comprend évidemment que seules ces deux catégories estiment que les autres devraient faire des sacrifices dont eux-mêmes seraient exonérés. Malgré une propagande intensive, les Français, pris dans leur ensemble, continuent à soutenir le mouvement et estiment nécessaire de le durcir si le gouvernement ne retire pas sa réforme. De quoi encourager les syndicats, toutes tendances confondues, à appeler à une intensification, malgré les gênes que cela amènerait inévitablement. Tant que ce soutien populaire ne se démentira pas, le front syndical restera uni et pourra peser sur le gouvernement, même si la loi était votée, comme cela s’est déjà vu dans le passé. Le chiffre clé, c’est celui de la responsabilité de cette crise, et pour le moment, c’est sur le gouvernement qu’il pèse : les trois quarts des Français estiment qu’il n’a été ni clair ni transparent et une nette majorité trouve la réforme ni juste, ni efficace, ni nécessaire. Attendons la fin du match, et espérons une joyeuse troisième mi-temps.