Pourvu que l’arrière tienne bon !
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le vendredi 27 janvier 2023 11:01
- Écrit par Claude Séné
C’était la légende d’un dessin humoristique paru en 1915 dans un journal français à propos de l’évolution de la guerre. Les poilus de 14-18, qui vivaient des évènements dramatiques en tentant de survivre dans les tranchées, s’inquiétaient, par dérision, et se sentaient totalement oubliés des populations supposées les soutenir, à l’arrière du front. L’expression être coiffé « à l’embusqué », c’est-à-dire en rejetant ses cheveux en arrière, loin du front, daterait de la même époque et fait preuve du même humour noir. Dans la guerre d’agression déclenchée il y a près d’un an par la Russie à l’égard de l’Ukraine, nous sommes à l’arrière d’un front qui nous concerne, que nous le voulions ou non.
C’est pourquoi je suis profondément choqué par l’initiative d’Arno Klarsfeld qui a lancé une pétition pour demander l’ouverture de négociations afin de trouver un compromis et éviter ainsi, croit-il, une troisième guerre mondiale. L’avocat franco-israélien estime qu’il n’est pas souhaitable, ni possible, de mourir pour le Donbass, et que la résistance ukrainienne ne fait qu’envenimer la situation et retarder l’instauration d’une « paix russe » calquée sur le modèle des conquêtes de l’empire romain. Arno Klarsfeld aurait donc refusé également de mourir à Madrid avec les brigades internationales s’il avait vécu à l’époque de la guerre civile espagnole. Tout comme en 1938, à Munich, il aurait choisi le déshonneur à la guerre en cédant à Hitler comme Daladier et Chamberlain, sans toutefois éviter le pire pour autant. Ce qui est piquant, si l’on ose risquer le terme pour une situation aussi tragique, c’est que Arno Klarsfeld estime qu’un accord peut être trouvé en Ukraine, alors que le conflit israélo-palestinien s’enlise depuis la création de l’état d’Israël et qu’aucun compromis n’a pu s’imposer entre les parties.
En Ukraine, Wladimir Poutine ne s’arrêtera pas avant d’avoir conquis tout le pays, à moins d’être battu sur le terrain et contraint à un repli stratégique, qui pourrait d’ailleurs n’être que provisoire. Les occidentaux ont cédé la Crimée en pure perte. S’ils sacrifiaient à présent le Donbass, ils n’obtiendraient qu’un court répit avant l’invasion de la totalité du pays, et l’expansionnisme russe amènerait Poutine à conquérir autant de territoires que possible. Le risque d’internationalisation du conflit existe bel et bien, mais céder aux exigences russes ne le fera pas disparaitre. J’oserai dire qu’au contraire, montrer sa force est le seul moyen de dissuader Poutine de poursuivre une guerre qu’il sait désormais ingagnable. Le temps des négociations viendra, quand les deux parties seront convaincues qu’elles sont préférables aux pertes supplémentaires à venir. Elles passeront obligatoirement par le retrait des troupes d’occupation, condition nécessaire et suffisante à un retour aux frontières de 2014, avant l’annexion de la Crimée.