Revenons à nos « moutonsses »
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le jeudi 12 janvier 2023 11:04
- Écrit par Claude Séné
Si nous avons pu nourrir quelques illusions sur la possibilité de progrès et d’innovation avec la désignation de Pap Ndiaye au ministère de l’Éducation nationale, nous ne cessons de déchanter. Pourtant, le départ du ministre le plus rétrograde depuis longtemps, nommé grâce à la chaude recommandation de la femme du Président, éblouie par les vieilles lunes que Jean-Michel Blanquer avait rhabillées pour faire moderne, nous laissaient espérer un coup de « jeune ». Il n’en a rien été.
La sempiternelle réforme du baccalauréat, passage obligé de tout nouveau ministre, a déjà démontré que la marge de manœuvre laissée à Pap Ndiaye, corseté comme tous ses prédécesseurs dans le cadre défini par les hauts fonctionnaires, en vigueur depuis plus d’un siècle, était très étroite. Et voici désormais remis au goût du jour un nouveau « retour aux fondamentaux » qui n’avaient jamais disparu. Et les deux mesures phares de cette orientation, celles que retiendra la presse, sont évidemment le recours massif à la dictée et le port de l’uniforme. La dictée deviendra donc quotidienne en CM1 et CM2, comme si elle était l’alpha et l’oméga de l’enseignement de l’orthographe, alors que, faut-il le rappeler ? Elle n’a qu’une fonction de contrôle des acquisitions. On a tous en tête la séquence où Topaze, dans la pièce de Pagnol, souffle éhontément la marque du pluriel des moutonsses à son jeune élève, ou la dictée impossible de Mérimée, où les plus érudits se cassent les dents. Le ministre est certainement au fait de la nécessité d’un renforcement des apprentissages avant de contrôler les résultats attendus, à une fréquence raisonnable, mais il s’est apparemment laissé influencer par des démagogues passéistes.
Quant au port de l’uniforme, il a pour particularité d’être défendu à la fois par Marine Le Pen, et par Brigitte Macron, encore elle, qui semble faire de l’éducation nationale son domaine réservé sous prétexte qu’elle a elle-même enseigné. Un argument qui me rappelle celui qui voudrait qu’on soit un expert de l’enfance, du seul fait d’avoir été un enfant soi-même, ce qui n’a pourtant rien d’original. L’uniforme ne me parait pas indispensable dans la mesure où il introduit l’idée qu’il suffirait d’imposer une tenue identique pour effacer les inégalités sociales durant la scolarité, ce qui reste à démontrer. Et il ne changerait rien le reste du temps, voire justifierait les multiples ségrégations comme aux États-Unis par exemple, au nom d’une égalité fictive. La femme du président s’est peut-être sentie à l’aise dans l’anonymat d’une tenue commune pendant ses études, cela ne lui a pas donné pour autant une conscience de classe, ni favorisé un engagement au-delà de celui des pièces jaunes, et la société dans laquelle elle mène une existence bourgeoise de privilégiée n’en a pas été modifiée.
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