Eurêka !
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le vendredi 6 janvier 2023 11:14
- Écrit par Claude Séné
En ce jour d’épiphanie célébré par les catholiques, les luthériens, les anglicans et les orthodoxes pour marquer la révélation de la venue du Messie, reconnue par les fameux rois mages, beaucoup d’entre vous vont sacrifier à la tradition de la galette, et déjà va se manifester une coupure épistémologique aussi importante que la différence entre nougatine et pain au chocolat : faut-il privilégier la frangipane, ou la galette briochée ? Les tenants de l’une ou de l’autre n’en démordent, c’est le cas de le dire, généralement pas, et seraient prêts à en découdre sur le sujet.
De la même façon, si la plupart des foyers ont renoncé à placer comme autrefois une véritable fève dans le gâteau, la tradition est variable chez les fabophiles, les collectionneurs qui recherchent les fèves les plus originales, certains se spécialisant dans les santons provençaux, par exemple. Si des humains sont prêts à s’écharper sur des sujets aussi futiles, il n’est pas surprenant qu’ils ne puissent pas s’entendre sur des questions plus sérieuses de souveraineté comme dans la guerre déclenchée par Poutine contre les Ukrainiens. Le voici qui joue les grands seigneurs en déclarant unilatéralement une trêve de 36 heures à l’occasion du Noël orthodoxe, sur la suggestion sollicitée du patriarche de Moscou, Kirill, et du président turc qui se verrait bien en faiseur de rois, c’est le moment ou jamais, pour éviter de perdre ses élections prochaines. Le souci, c’est que la date choisie n’est pas reconnue par les Ukrainiens, qui n’y voient, à juste raison, qu’une manœuvre de façade destinée à gagner un peu de temps en se donnant le beau rôle pour mieux dénoncer des accrocs éventuels au cessez-le-feu.
Comme beaucoup d’autres fêtes religieuses, Noël ou l’épiphanie ont été fixés arbitrairement dans le calendrier julien ou grégorien en référence à des fêtes païennes, et ne sont donc pas universels. Les traditions se sont enrichies et diversifiées au fil du temps et elles varient selon les lieux et les époques. En cherchant un peu pour étoffer cette chronique, j’ai trouvé un autre sens au mot épiphanie, cousin de celui que nous connaissons tous, qui consiste en une compréhension soudaine d’une notion peu claire jusque-là. Le prototype de ce phénomène, c’est l’illumination d’Archimède dans sa baignoire, qui se serait écrié, selon la tradition, « eurêka ! » c’est-à-dire, j’ai trouvé, en grec, lorsqu’il a pris conscience de la poussée de l’eau, formalisée par la suite dans l’expression bien connue, « tout corps plongé dans un liquide », complétée parfois de « s’il n’est pas remonté au bout d’une demi-heure doit être considéré comme perdu ». L’épiphanie, l’aveuglante évidence qui pourrait être renvoyée à Poutine serait bien sûr de surenchérir sur sa trêve en lui suggérant de quitter totalement et sans délai les territoires occupés indûment par la Russie et de régler immédiatement les détails pratiques entre les deux pays pour vivre en paix et en bonne intelligence.