Retraites : Totem ou tabou ?
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le mercredi 4 janvier 2023 10:56
- Écrit par Claude Séné
La Première ministre, Élisabeth Borne, l’a répété alors qu’on ne lui demandait rien, l’âge de départ à la retraite à 64 ou 65 ans, « n’est pas un totem ». Je doute que la majorité des Français à qui elle a tenu ce langage soit parfaitement au fait des implications ethnologiques et psychologiques de ce terme, notamment employé par Sigmund Freud pour titre d’un de ses ouvrages majeurs, « Totem et tabou », dont la lecture réclame une solide formation et une attention de tous les instants. Ils sont probablement plus calés sur le déroulement du jeu télévisé Koh-Lanta, dans lequel je me suis laissé dire qu’il existait un totem d’immunité protégeant les candidats.
Nous comprenons donc plus ou moins que le gouvernement ne serait pas arc-bouté sur un projet immuable, et que l’âge de départ peut varier entre 64 et 65 ans. Cela va dépendre des « discussions » avec les syndicats, qui y sont unanimement opposés. Car c’est là qu’intervient le tabou, dans un sens très largement simplifié, sous forme d’une interdiction absolue, celle de prononcer le mot et même de penser au concept de négociation. Vous l’aurez remarqué. Autant le pouvoir macronien prône la concertation, vante les mérites des consultations, ou affiche une écoute et une bienveillance de façade, autant il refuse énergiquement de se mettre en position de chercher un compromis dans lequel il pourrait être amené à faire des concessions en négociant avec les représentants des salariés d’égal à égal. Donc, si des aménagements peuvent être octroyés à la marge, le président et son gouvernement entendent bien continuer à décider sans négocier le moindre iota de son principe de base : travailler plus longtemps.
Or, cet axiome selon lequel il n’y aurait pas d’autre possibilité de réduire un déficit possible de 12 milliards pour quelques années est battu en brèche par certains calculs d’économistes, y compris libéraux. Le ministre de l’Économie a d’ailleurs annoncé sans ambages qu’il n’en tient pas compte quand ils ne lui sont pas favorables. C’est ainsi qu’un calcul démontre qu’une augmentation de quelques euros des cotisations sociales suffirait à effacer le déficit annoncé. Ce qui signifie que si l’on utilise un barème progressif, les plus modestes n’auraient rien à payer de plus, et les plus aisés devraient simplement s’acquitter des sommes dont ils ont été exonérés par la suppression de l’ISF par exemple. Pire encore, en prêtant bien l’oreille, on a pu entendre hier sur France Inter, un économiste libéral, peu suspect de visées révolutionnaires, expliquer qu’il suffirait de transférer quelques points de CSG du budget des allocations familiales pour les affecter au régime des retraites pour résoudre instantanément la question du financement. Cerise sur le gâteau, une réforme budgétaire peut être adoptée sans vote grâce au miracle constitutionnel du 49.3 ! Elle n’est pas belle, la vie ?