Un président devrait-il dire ça ?

La présidence tournante de l’Union européenne, exercée par la France ces six derniers mois, s’est achevée hier et Emmanuel Macron, dont la situation domestique n’est pas au mieux de sa forme avec une chambre des députés pour une fois pas entièrement acquise à sa cause, va s’appliquer à claironner que son action a été décisive et que ses objectifs ont été largement atteints. La démonstration va être compliquée par deux évènements qui ont permis au public de se rapprocher de la réalité quotidienne des grands de ce monde, et qui ne sont pas vraiment à l’avantage du président français.

Le premier s’est déroulé en marge du sommet du G7 en Bavière, où l’on a vu, et entendu, Emmanuel Macron courir littéralement après Joe Biden pour l’interrompre dans sa conversation avec un de ses conseillers et lui rapporter, avec empressement, la teneur d’un échange téléphonique avec les Émirats arabes unis, en oubliant totalement la présence des micros et des caméras de la presse. Il finit par se rendre compte de son imprudence et propose de continuer la conversation à l’intérieur. On retient de ses images l’inféodation au président des États-Unis, dont il donne l’impression de faire les commissions, tout en se haussant du col pour faire croire qu’ils parlent d’égal à égal, affectant une familiarité forcée, et lui donnant du « Joe » à tous les coins de phrases. Ce mélange d’obséquiosité et de complicité se retrouve dans les échanges avec Vladimir Poutine, dont nous avons pu avoir connaissance dernièrement.

Cette fois, la transcription concerne une conversation qui a eu lieu quatre jours seulement avant le début de l’invasion de l’Ukraine, et démontre à la fois la duplicité assumée du maître du Kremlin, qui rejette toute la responsabilité sur le président Zelinski et prétend vouloir l’application des accords de Minsk de 2014, et la naïveté du président français, qui s’imagine tenir la dragée haute en parlant cash à son interlocuteur, alors qu’il se fait rouler dans la farine. Cette conversation téléphonique permet de comprendre le péché originel d’Emmanuel Macron, flatté de pouvoir jouer dans la cour des grands en parlant au nom de l’Europe, et perdant totalement la lucidité nécessaire pour ne pas se laisser berner par un vieux routier de la politique, qui en a vu bien d’autres et n’a jamais hésité à mentir autant que de besoin pour parvenir à ses fins. Par la suite, Emmanuel Macron restera persuadé qu’il peut obtenir des concessions de Vladimir Poutine, en le ménageant et en lui permettant de sauver les apparences. Tragique erreur, qui va l’amener à employer une expression totalement incomprise par ses partenaires, « il ne faut pas humilier la Russie », alors qu’elle est l’agresseur dans ce conflit. Pour préserver une relation privilégiée factice, Emmanuel Macron fait fi du seul langage compris par Vladimir Poutine, celui de la fermeté, et ne fera que retarder un accord de cessez-le-feu.