Question de confiance
- Détails
- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le jeudi 30 juin 2022 10:41
- Écrit par Claude Séné
Après avoir remis sa démission, refusée par le Président de la République, Élisabeth Borne a été chargée de constituer un nouveau gouvernement, dans lequel les ministres battus aux législatives, ou appelés à d’autres fonctions comme la présidence de l’Assemblée, voire mis en cause dans des affaires judiciaires, seront remplacés. Et peut-être verrons-nous arriver des transfuges d’autres formations politiques, permettant à Emmanuel Macron d’obtenir la quarantaine de sièges qui lui manquent pour avoir la majorité absolue disparue. C’est probablement ce qu’espère la Première ministre, qui doit présenter son programme à l’assemblée, mais n’a pas encore indiqué s’il serait suivi d’un vote dit de confiance.
Cette procédure n’est pas imposée par la constitution, mais elle est habituelle. Quand le président dispose d’une majorité, c’est une simple formalité, et tous les Premiers ministres se sont prêtés à l’exercice depuis 1993. Par contre, ni Michel Rocard, ni Édith Cresson, ni Pierre Bérégovoy, qui n’avaient qu’une majorité relative comme Élisabeth Borne, n’ont sollicité la confiance de l’Assemblée à leur époque. La porte-parole du gouvernement a indiqué que la décision de poser la question de confiance n’est pas exclue, mais qu’elle n’est pas encore prise. Il faut donc comprendre que la Première ministre se laisse une chance d’obtenir, sinon le soutien, du moins la neutralité bienveillante des Républicains, qui sembleraient des alliés « naturels » du gouvernement, qui penche à droite depuis le premier quinquennat d’Emmanuel Macron. Bien entendu, la Première ministre ne demandera la confiance de l’Assemblée que si elle est sûre de l’obtenir. Faute de 289 votes minimum en sa faveur, elle serait contrainte de démissionner, et ce serait un camouflet terrible pour le pouvoir.
Si, comme c’est probable, le gouvernement ne demande pas la confiance, l’opposition peut toujours déposer une motion de censure. Il suffit pour cela de 58 députés, mais elle doit être acceptée par la majorité absolue des élus, les abstentions ne comptant pour rien. La logique est renversée, et peu de motions de censure ont été adoptées dans le passé. C’est d’ailleurs le mécanisme qui a permis de « passer en force » pour des gouvernements comme celui de Michel Rocard, au moyen du recours à l’article 49, alinéa 3, de la constitution, pour des textes de loi importants. Il consiste à mettre au défi l’opposition de voter la défiance en réunissant une majorité contre lui, comme un joueur de poker miserait la totalité de son « tapis » à chaque donne. Depuis, la constitution ne permet plus qu’un seul usage du 49.3 par session parlementaire, pour éviter les abus. Le nouveau gouvernement Borne se prépare donc à devoir batailler pour la moindre réforme, car j’imagine que le 49.3 sera réservé au vote le plus important, celui du budget. Tout le reste sera soumis à la confiance ou la défiance des députés, porte-voix de la population, en plein doute.