Tintin au pays des soviets

Je ne fais pas partie du club des « tintinolâtres », ni même de celui des tintinophiles, mais la ressemblance physique du président français avec le reporter créé par Hergé m’a incité à une réflexion sur la trajectoire actuelle d’Emmanuel Macron. La mégalomanie déguisée en simplicité transparaît dans son exercice du pouvoir, plus que jamais solitaire. La plupart des observateurs de la vie politique ont noté la disparition inquiétante du comité scientifique chargé d’éclairer le pouvoir sur les décisions à prendre vis-à-vis de la pandémie, laissant le président faire seul ses choix pour le meilleur ou pour le pire.

Il arrive exactement l’inverse que lorsque Mickaël Gorbatchev, accédant au pouvoir en 1985, a décidé de promouvoir la « Glastnost », la transparence, et la « Perestroïka », une forme de gouvernement plus démocratique. Tout se passe comme si, au cours de son voyage en Union soviétique, c’était Tintin qui se soit laissé séduire par le système autocratique en vigueur dans les années 30 sous la houlette et la férule du « petit père des peuples », Iossif Vissarionovitch Djougachvili, plus connu sous le nom de Joseph Staline, redoutable tyran déguisé en bon père de famille. Staline, qui n’hésitait pas à confisquer la science à son profit en déclarant fous ceux qui s’opposaient à son pouvoir personnel et en les faisant déporter en Sibérie dans les « goulags » de sinistre mémoire. Son lointain successeur au Kremlin, Wladimir Poutine, a recours à des procédés aussi arbitraires, voire expéditifs, avec les rares personnes qui osent le défier ouvertement, comme Alexeï Navalny, privé de liberté après avoir échappé par miracle à un empoisonnement commandité par le chef de l’état russe.

Toutes proportions gardées, la transformation affichée du président Macron en premier épidémiologiste de France a de quoi inquiéter. Elle rappelle fâcheusement les délires de Donald Trump sur la désinfection à l’eau de javel administrée par voie interne, ou l’exposition aux rayonnements ultraviolets pour combattre le Covid 19. Aux débuts de la pandémie, le Comité scientifique s’efforçait d’afficher une unanimité de commande, essayant d’accréditer un consensus de façade, un accord sur certains constats, avant de laisser transparaître des désaccords, qui ont abouti à la démission du professeur Raoult. Progressivement, c’est la cacophonie qui s’est installée, et l’épisode actuel de silence laisse penser que les avis qui continuent à être fournis à l’exécutif reflètent les divergences profondes sur la stratégie à adopter. La nature en général, et en particulier celle du Président, ayant horreur du vide, c’est lui en personne, et apparemment lui seul, qui décide dans le secret de son cabinet, comme on le dit élégamment. Tout ça ne nous dit pas ce qu’en pense l’équivalent de Milou, le chien du président, qui, malgré son nom de Nemo, est loin de n’être personne.