Espèces menacées

Une vive émotion dans le milieu des surfeurs après la mort d’un jeune de 13 ans à La Réunion, happé par un requin. Une émotion bien compréhensible, qui renforce l’image de férocité de ces squales tandis que le jeune âge de la victime suscite la compassion. La réalité est légèrement plus complexe. Les 7 adolescents qui pratiquaient le surf sur cette partie de la côte savaient pertinemment que la zone était interdite, en raison précisément du risque d’attaque par des requins. Depuis la mort d’une jeune fille de 15 ans à 5 m du rivage en 2013, les activités nautiques sont prohibées sur tout le littoral en dehors des lagons, ou de zones protégées, encore à venir.

 

Sur la pression des pratiquants de surf, et pour rassurer l’opinion, la préfecture a prévu d’autoriser la capture d’un requin après une attaque. C’est ce qui a été fait. Il ne s’agit pas du squale qui a blessé mortellement le surfeur, un requin-bouledogue, mais d’un requin-tigre. On ne peut y voir qu’une forme de représailles dérisoires, car je doute du pouvoir dissuasif de ce dispositif. Pour certains habitants de La Réunion, la solution serait d’éradiquer complètement le secteur de cette espèce, afin que baigneurs et surfeurs puissent pratiquer tranquillement leur activité. J’y vois une tendance à privilégier le bon plaisir au détriment de la sécurité et du sens des réalités, comparable à celle des skieurs qui s’acharnent à pratiquer le hors-piste au mépris du danger.

Il se trouve que les requins sont une espèce menacée de par le monde, principalement du fait de la surpêche, ce qui a amené à protéger certaines de ses branches, dont le requin-bouledogue, mis en cause dans cet accident. De plus, les décès dus aux requins restent rares, moins de 10 par an, beaucoup moins que d’autres animaux moins effrayants comme les abeilles, les guêpes, ou les frelons, ou semblant carrément inoffensifs comme les moustiques.

Il me semble que de toutes les espèces menacées, l’espèce humaine est la seule à être plus en danger du fait de ses propres activités que de celles des autres espèces. C’est vrai au plan individuel avec la pratique d’activités à risques, comme au plan collectif avec des politiques suicidaires pour la planète à plus ou moins long terme, sans compter toutes les guerres et les conflits armés de par le monde. Décidément, l’homme est un requin pour l’homme.