Taille mannequin

Vous vous souvenez probablement de cette campagne publicitaire choc de 2007. On y voyait une jeune fille entièrement nue dans un état de maigreur confinant au décharnement. Photographiée par Oliviero Toscani, elle illustrait le slogan du non à l’anorexie. Bien que moins répandu, ce phénomène de maigreur excessive fait pendant à la tendance au surpoids et à l’obésité et touche principalement les adolescentes. Ce fléau est encouragé par l’image que donnent les défilés de mode dans les magazines et certains sites qui donnent littéralement des « recettes » pour perdre encore et toujours plus de poids.

C’est donc en partant d’un bon sentiment qu’un groupe de députés a profité de la loi fourre-tout sur la Santé pour faire voter un amendement criminalisant l’apologie de l’anorexie sur Internet. En théorie, cela semble raisonnable. En pratique, cela reviendrait à interdire des espaces où les malades peuvent échanger sur leurs troubles alimentaires et parfois être aiguillées vers des équipes de soins. Il est également question d’obliger les agences de mannequins à exiger de leurs modèles un certificat médical prouvant qu’elles ne sont pas trop maigres, en s’appuyant sur le fameux indice de masse corporelle. Outre qu’il resterait à s’accorder sur une valeur, la mesure pourrait être refusée pour cause de discrimination à l’embauche.

Mais le principal reproche que l’on pourrait faire à cet amendement, ce serait de ne pas suffisamment tenir compte des problèmes sociétaux révélés par ces comportements alimentaires aberrants. À supposer que l’on puisse contrôler les forums où les jeunes filles échangent leurs trucs pour perdre du poids et postent des photos où elles montrent leurs particularités, par exemple ce fameux espace entre les cuisses devenu le symbole du chic extrême, il resterait toute l’influence des réseaux sociaux qui continuent à faire l’opinion pour ceux qui les fréquentent.

L’actualité récente nous offre un nouveau télescopage dont elle a le secret pour nous renforcer dans l’idée que la maigreur peut être mortelle. Une militante égyptienne qui voulait honorer la mémoire des manifestants de la place Tahrir a été abattue d’une balle dans le dos par un policier qui voulait censément disperser un attroupement. L’officier sera jugé pour « coups et blessures ayant entrainé la mort sans intention de la donner » sous prétexte que la minceur de la jeune femme ne lui aurait pas permis d’absorber les chevrotines qui l’ont touchée au cœur et aux poumons. Ben voyons !