Infiltration

Le terme est généralement utilisé pour décrire une méthode policière consistant à se fondre dans l’univers de criminels afin de comprendre et de démonter ultérieurement leur organisation. Par extension, il a été appliqué aux journalistes qui s’introduisent dans des cercles où ils n’auraient pas eu accès en se présentant es qualité, à visage découvert. C’est la combinaison des deux qui fait l’originalité de la démarche de Valentin Gendrot, journaliste « infiltré » dans la police, qui raconte son expérience dans un livre-choc intitulé Flic.

Le prototype du flic infiltré dans la pègre, ce serait Serpico, personnage réel interprété par Al Pacino dans le film du même nom. Quant aux journalistes, l’exemple le plus fameux reste celui de Günter Wallraff, qui s’est fait passer notamment pour un immigré turc afin de dénoncer, de l’intérieur, les conditions de vie de la population immigrée en Allemagne. Ces méthodes d’investigation ont fait l’objet de vives critiques en France, sous prétexte de ne pas respecter une certaine forme de loyauté, de prendre les gens « en traitre », voire de « pousser au crime » comme dans le film « Max et les ferrailleurs » afin d’obtenir un flagrant délit. Dans le cas de Valentin Gendrot, aucune tromperie sur son identité ni sa qualité de journaliste. Il s’est inscrit sous son vrai nom à l’école de police pour y suivre la formation et se retrouver affecté comme auxiliaire dans un commissariat. Au cours de ses deux années d’exercice, il sera témoin (ou doit-on dire complice ?) de violences de la part de ses collègues : verbales quand un policier refuse de prendre la plainte d’une femme victime de violence conjugale, ou sévices physiques, quand un jeune de 16 ans est tabassé par son coéquipier. Pire, il va « couvrir » son collègue vis-à-vis de la hiérarchie en signant un rapport mensonger.

On n’apprend pas forcément beaucoup de nouveau dans le livre, mis à part que le témoignage vient de l’intérieur. Un autre policier, le brigadier-chef Amar Benmohamed, a lui aussi dénoncé depuis deux ans les maltraitances, les injures racistes et les vols dont se rendaient coupables des policiers affectés aux cellules du Tribunal de Paris. Ce qui m’interroge particulièrement, c’est que le journaliste et citoyen témoin de ces bavures ait laissé faire sans protester. Qu’il ait pu, dans le feu de l’action, être sidéré par les violences et se sentir incapable d’intervenir est une chose. Qu’il ait, de sang-froid et après réflexion, décidé de mentir dans l’espoir de pouvoir dénoncer par la suite d’autres infractions en est une autre. Reste l’efficacité de sa démarche. La justice, saisie par la préfecture, a décidé de confier l’enquête à l’IGPN, ce qui signifie, à mon avis, un enterrement de première classe sur des faits très difficiles à prouver. Les premières réactions corporatistes ne laissent d’ailleurs rien augurer de positif.