Exemplarité

Si l’on écoute certains syndicats de police, il n’y aurait pas de violence policière en France. Une affirmation difficilement soutenable, aussitôt contredite par un représentant du syndicat Alliance lui-même qui met l’accent sur les enquêtes diligentées par l’IGPN, dont on sait pourtant que peu d’entre elles aboutissent à des sanctions. Les policiers contestent notamment une fresque murale dévoilée à Stains, représentant à la fois George Floyd et Adama Traoré, et dénonçant le racisme et les violences policières. Ils demandent purement et simplement d’effacer le mot « policières ».

C’est ce que l’on appelle un déni de réalité, qui intervient au moment même où deux journaux révèlent l’existence d’enregistrements vidéos tournés pendant l’interpellation de Cédric Chauviat en janvier, au cours de laquelle le livreur répète 7 fois qu’il étouffe, comme George Floyd. On sait qu’il décèdera le surlendemain à l’hôpital, avec une fracture du larynx. Il y a donc toutes les chances pour que l’enquête conclue à une bavure policière pendant son interpellation. Au lieu de nier l’évidence, qui est de constater que certaines interventions font l’objet d’un usage disproportionné de la force, ou font appel à des techniques dangereuses, les syndicats de policiers devraient demander à faire le ménage pour que ces procédures soient revues et qu’ils deviennent inattaquables en sanctionnant les pratiques à risque.

La plupart du temps, les policiers demandent à être traités comme les autres citoyens et notamment de bénéficier de la présomption d’innocence, comme tout un chacun. C’est en effet un droit, mais il n’exonère pas les représentants de l’ordre public d’être des citoyens respectueux de la loi qu’ils sont chargés de faire observer. Au contraire. Ils doivent même être des citoyens au-dessus de tout soupçon. Car leur fonction même aggrave les manquements qu’ils pourraient exercer, en en faisant une circonstance à charge supplémentaire, puisqu’ils sont dépositaires de l’autorité publique. Le mot dépositaire indique bien qu’il n’y a pas confusion entre la personne, en uniforme ou non, et la fonction. La population a trop souvent l’impression d’avoir affaire à des shérifs de western, qui s’imaginent être la loi, quand ils ne doivent que la servir. Une atmosphère bien rendue par le film de Ladj Ly, les Misérables, qui vise notamment les brigades spéciales telles que la BAC. Le fossé entre la population et sa police s’est creusé depuis qu’un certain Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, a décidé de casser tout le travail, certes imparfait, de ses prédécesseurs en introduisant une gestion purement comptable de la police, symbolisée par la politique du chiffre. L’investissement sur le moyen et le long terme que représentait la police de proximité a été abandonné au profit d’un « rendement » immédiat. Depuis, la situation n’a cessé de se dégrader, pour en arriver au délabrement matériel et moral actuel.