Préemption

Nom féminin, action d’acquérir avant tout autre acheteur et à prix égal l’objet mis en vente. Droit de préemption. Je vous avoue que j’ai été surpris et choqué la première fois que j’ai entendu une journaliste expliquer que « les citoyens » pensaient que, les citoyens proposaient que, ou même les citoyens avaient décidé que… je ne discuterai pas ici du bien-fondé de ces affirmations, mais le me suis senti quelque peu dépossédé de ma qualité de membre de la collectivité nationale, à laquelle j’estime avoir toujours droit, même si, d’aventure, je ne partageais pas la totalité des options adoptées par « ces » citoyens.

J’ai fini par comprendre qu’il s’agissait des membres tirés au sort de la convention nationale sur le climat, qui me représentaient, que je le veuille ou non. Si ces personnes, fort estimables au demeurant, sont « les » citoyens, forts de leurs 150 membres, que suis-je, moi ? et que devenons-nous, les quelques 66 millions de personnes habitant le beau pays de France ? Ces citoyens-là, réputés correspondre à un échantillonnage selon la méthode des quotas, si j’ai bien tout compris, seraient donc représentatifs de l’opinion, telle qu’elle est mesurée habituellement par les sondages. Dans ce cas, 150 est un nombre nettement insuffisant. Les enquêtes portent habituellement sur un millier de personnes au minimum, et même ainsi, on sait que les réponses dépendent beaucoup des questions posées, et de la forme du recueil des données. Bref, si l’on voulait simplement connaître l’avis des Français sur les mesures à prendre pour lutter contre le réchauffement climatique, on en avait déjà une idée assez précise, et cette procédure ne fera pas l’économie d’une consultation nationale, si l’état veut y associer « les citoyens ».

J’ai l’impression que l’opération vise à confisquer une qualité commune à beaucoup d’individus, au profit d’une partie d’entre eux. Des « super-citoyens », en somme. Il existe déjà en Espagne, un parti récent dénommé « ciudadanos », les citoyens, comme si tous les autres ne l’étaient pas. On nous a fait le coup en France aussi en accaparant le nom « les républicains », dont les membres ne sont ni plus, ni moins républicains que vous et moi, à moins que vous ne soyez un des derniers à souhaiter le retour de la royauté. Et même dans ce cas, je ne connais pas de parti qui s’appellerait « les royalistes ». J’aurais trouvé plus logique, et plus conforme à la réalité que les journalistes, qui ont toujours besoin de synonymes, les appellent « les 150 citoyens », ou les « Conventionnels », mais le terme évoque un passé révolutionnaire dont les travaux de cette convention-là sont totalement dépourvus. Les membres du lobby nucléaire en particulier n’ont rien à craindre de ses conclusions.