Chassez le naturel

Dans son exercice d’autosatisfaction de dimanche soir, le président de la République a revendiqué ce qu’il a appelé un « choix humaniste », celui de placer la santé au-dessus de l’économie. Encore une fois, il entretient volontairement une confusion entre l’argent de la nation, dont il n’est que le gestionnaire et le sien propre, faisant le généreux avec le produit de l’effort commun, celui qui alimente les caisses de l’état par le biais des impôts, ou celui que nous empruntons, reportant la charge de la dette aux générations suivantes.

Mais c’est plus fort que lui. On voit bien, dès l’instant où on lui a arraché quelques subsides, comme dans la crise des gilets jaunes, qu’il est déjà à l’affût des moyens qui pourraient lui permettre de récupérer tout ou partie des sommes dépensées, au profit de ceux qui en veulent toujours plus, bien qu’ils possèdent déjà la plus grande partie de la richesse. Son attachement viscéral à la suppression de l’impôt sur la fortune en est un indicateur incontournable. On ne pourra pas dire de lui qu’il n’a pas la reconnaissance du ventre. C’est pourquoi mon oreille s’est dressée au milieu d’un ennui général quand il a évoqué la nécessité de travailler et produire davantage pour se sortir du marasme économique. Qui doit travailler plus ? Certainement pas les patrons du CAC 40. Ils sont déjà au-delà du maximum et leurs journées ne font que 24 heures. Alors qui ? Je cherche. Peut-être faut-il se tourner du côté du MEDEF, qui avance ses pions avec prudence, puisqu’il est relayé jusqu’au sommet de l’état. L’idée de revenir sur les 35 heures n’a jamais été abandonnée, et revient périodiquement comme le monstre du Loch Ness. Une autre piste consisterait à subordonner le maintien de l’activité à des baisses consenties de salaire, antichambre des suppressions de poste et de réinvestissement dans des pays plus exploitables encore.

Le président va enrober le tout sous des termes flatteurs, tels qu’une économie forte, écologique, souveraine et solidaire, et pourquoi ne pas y nouer une faveur rose, mais la réalité est beaucoup plus simple. L’économie est un jeu à somme nulle : il faut beaucoup de petits perdants pour alimenter les gros gagnants, comme dans le Pari mutuel urbain. La balance penche toujours dans le même sens depuis des générations : la part du capital s’accroît au détriment de la rémunération du travail. Sans être un économiste aguerri, il est facile de voir que cette recherche du profit à court terme est finalement contreproductive. Même du point de vue des nantis, cette façon de procéder ne peut qu’être suicidaire. Plus que jamais, c’est un meilleur partage de la richesse, et du travail qui la crée, qui devrait être notre priorité.